Le collectif qui dévie la machine infernale numérique dans le Lot-et-Garonne
par Aurélia Zahedi
Si la majorité des associations, collectifs et structures utilisent des services gratuits proposés par les géants du numérique dont les politiques commerciales sont souvent en totale contradictions avec les valeurs portées par ceux-ci, le collectif Boîte à Outils Coopérative 47 crée depuis 2021 des alternatives libres, éthiques et durables à échelle locale.
Ce collectif composé de quatre structures : Le Campus Numérique 47 (formation aux métiers du numérique), les collectifs En Jeux Durables et SI47 (éducation à l’environnement), aGeNUx (libérons l’informatique), et l’ADEM Florida (développement de l’expression musicale) commence par mettre à disposition un espace de stockage local pour ses adhérents. Les données ne seront alors plus stockées dans des énormes Data Center lointains mais relocalisées dans un écosystème de données numériques à notre échelle. Hébergé dans le département 47, le collectif assure le contrôle et donc la protection des données sur cette base d’application, le but étant d’avoir une autonomie et une indépendance sur la sauvegarde et le traitement des données. La vente ou fuite de ces données qui a le vent en poupe chez les Rois du numérique est impossible chez BOC47 qui assure dans sa charte l’impossibilité de vendre ou distribuer quelconque information stockée.
La question de la confiance fait alors son apparition. Pour que les utilisateurs connaissent ceux qui pourrait avoir accès à cet espace de stockage, les membres du collectif se déplacent eux-mêmes, généreusement, dans les structures intéressées pour rencontrer, sensibiliser et former, si nécessaire, les usagers. Ils le disent « mieux vaut connaître les gens qui ont accès à nos données ».
Préoccupé par la pollution numérique, BOC47 prend en compte les enjeux environnementaux. Ils insistent sur le stockage inutile des données qui peut être facilement évité. Par exemple, une association qui a les mêmes dossiers sur dix ordinateurs différents pourrait regrouper ses informations sur un seul et même espace auquel ils auraient tous accès. Même alternative sur les déchets numériques qui dorment dans les boites mails saturées. Plutôt qu’envoyer une dizaine de courriers avec pièce jointe, autant la ranger dans un seul espace ouvert à tous.
Au-delà du service de stockage proposé, leur démarche semble aller plus loin en questionnant même nos habitudes. En analysant nos fonctionnements numériques, ils guident aussi vers de nouvelles pratiques et méthodes plus écologiques.
Dans son dispositif, BOC47 met aussi en place des services équivalents à ceux des géants du numérique. Ils n’ont rien inventé et installent des plateformes libres qui existent déjà sur une machine accessible à tous. Par exemple « Pertube » remplace « Youtube », Mattermost est une messagerie collaborative, visioconférence, agenda…, Mobilizon est un partage d’événements…
Ces alternatives libres et open source peuvent être visibles par toutes et tous et sont améliorées régulièrement par le collectif selon les nécessités des utilisateurs.
Une de leur volonté est de faciliter la coopération entre les structures du département, de créer de l’échange, de la communication et du commun. La plateforme est donc aussi pensée pour être une source de partage d’informations et d’outils collaboratifs. Par ce biais, les associations peuvent être connectées, partager les calendriers, des événements, des dossiers… Les plateformes prennent vie et surtout sont dynamisées par les utilisateurs eux-mêmes.
Lorsqu’ils forment les utilisateurs de BOC47 selon leurs besoins, cet accompagnement permet non seulement une transparence sur le fonctionnement de ces outils mais engage aussi une responsabilité individuelle devant ce monde du numérique.
Si tous les membres de BOC47 sont bénévoles, un administrateur est salarié pour assurer le bon fonctionnement du système, améliorer sa sécurité, faire les mises à jour et préciser les outils proposés. BOC47 demande une participation libre pour les usagers et vit grâce à des dons, des subventions et la Fondaton Afnic pour la solidarité numérique.
Toutes les décisions sont prises à l’unanimité dans le collectif. Disponibles et très réactifs pour partager leurs outils, ils ne sont pas là dans le but de convaincre, ni là pour se développer davantage mais gardent en tête l’urgence de trouver des alternatives éthiques et communes.