La femme du lac de Sandra de Vivies
par Éric Arlix
Quand il y a une voix vous pouvez acceptez beaucoup de choses de l’auteur.e. Il y en a une. Des formes, des styles, des choix, des formules qui ne vous auraient pas habituellement emballés mais ici ce n’est pas le cas, tout est dosé, précis, brodé, mystérieux, historique. Ce n’est pas un roman c’est autre chose et tant mieux, il y a des photos, le récit est organisé en blocs, mini définitions, envolées poétiques quand il le faut pas plus. Le sujet est très bien résumé dans la quatrième de couverture de l’éditeur et je ne me risquerais pas à plus :
« Fascinée par une boîte de négatifs dont elle a fait l’acquisition sur un marché à Berlin, une femme s’efforce d’en deviner les motifs. À travers les ombres et les contrastes, elle guette les signes qui lui permettent de les dater et y distingue la silhouette d’une autre femme, dont elle imagine l’existence : celle d’une personne ayant grandi sous le régime nazi, formatée par cette idéologie de la « normalité » et de la performance. Mais à cette réflexion sur le conditionnement social, sur la valeur des images, ce qu’elles fabriquent et transmettent, vient se greffer une interrogation sur la propre trajectoire de la narratrice : pourquoi a-t-elle été attirée par cette femme et ces photos ? N’a-t-elle pas elle-même été considérée comme « différente », inapte à interagir avec les autres ? Si les dictatures sont connues pour contraindre les trajectoires individuelles, au nom d’un idéal supérieur, les sociétés contemporaines sont-elles exemptes de critiques quant aux catégorisations qu’elles créent et aux modalités qu’elles imposent ? Au fil de cette double enquête historique et sensible, Sandra de Vivies traque les trajectoires perçues comme non conventionnelles et interroge les possibilités de leur existence. »
Je ne suis pas très fan de la dernière phrase ou alors je ne comprends pas bien cette phrase. Mais de fait Sandra de Vivies compose un récit imposant des interrogations contemporaines filtrées par une enquête historique, littéraire, mémorielle, cela fonctionne de la première à la dernière page sans oubli, sans relâche, suspendu dans une économie de mots, à la limite de la punchline par instants. La Femme du lac c’est deux heures de lecture en continu qui sont le temps d’un trek, d’une enquête contemporaine, d’une immersion dans les pensées d’une femme qui est vivante, cela se lit.
Extrait, page 78
« Les images nocturnes estompent la frontière entre ces deux types de réels, ce qui semble indiquer que l’aspect tangible vient de l’image plus que de l’évènement en lui-même. Si ces images se sont formées dans le cerveau puis mises en mouvement, si elles ont effréné le cœur élevé la température corporelle jusqu’à déclencher la sudation, si elles ont dérangé le balancier de l’inspiration l’expiration mobilisé la voix, si elles ont suscité la peur les hurlements c’est qu’elles sont vraies, du moins que quelque chose fût-ce par elles a vraiment eu lieu. »
Sandra De Vivies, La femme du lac, éditions Cambourakis, janvier 2025
https://www.cambourakis.com/tout/litterature/francophone/la-femme-du-lac/