Ça rame
par Éric Arlix
Ah ces gens dits de gauche qui ne veulent pas lâcher FB et Insta « parce que la com c’est trop important, déjà que je rame », qui prennent des über « parce que c’est bien pratique », surveillent les bons plans Transavia pour un week-end de décompression au soleil « parce que ça va me faire du bien de prendre un peu de recul sur une plage », louent un petit airbnb trop mignon dans une capitale européenne « pour trouver l’inspiration », qui souscrivent à un abonnement Starlink dans leur résidence secondaire « parce que sinon je rame pour aller sur FB et Insta c’est trop important la com, déjà que je rame », qui continuent d’utiliser les services google « parce que c’est gratuit et pratique », d’acheter les produits d’Amazon « parce que y’a tout et tout de suite », on ne parlera pas des comptes titres « parce qu’il faut bien que je m’occupe de ma retraite et puis ça rapporte pas mal », des produits luxe « parce que je le vaux bien », de l’amour du cash « parce que les charges sociales ça plombe mon chiffre d’affaires à un point tu n’imagines même pas », de se faire livrer un p’tit über eats « parce que le temps de gagné est dingo », de se faire livrer tout en fait « parce que là l’économie de temps est une révolution dans mon quotidien», de balayer son doigt sur un smartphone jusqu’à plus soif « parce que sinon tu comprends déjà que je rame au niveau com alors si en plus je ne suis au courant de rien », d’exhiber sa montre connectée « parce que tu as tout au poignet je gagne un temps fou », de prendre une carte Membership Pinault Collection ou un pass coupe file FLV « parce que l’accès à la culture c’est important », etc, etc, etc, … Bref c’est pas gagné 2027, 2032.
besoin de repères et d’attitudes
besoin de simplicité et de décroissance
besoin de liberté et d’imaginaires
besoin d’un programme politique de rupture
bien plus ambitieux
alors
sans attendre
je marche sans gps
et je salue les corneilles à mon passage
toujours
je ne re-contacte pas celles et ceux qui rament
je les retarderais
désynchronisés nous sommes
de ma petite vue je compte aujourd’hui
cent-huit camionnettes
dix-huit scooters
de livraison
de gains de temps
de coups de rames en moins
galère
galère