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Les œuvres n’ayant plus de particularité artistique, si ce n’est leur environnement, leur condition d’apparition, seuls les accès à la visibilité — résultat heureux d’une quantité d’énergie dépensée à l’actualisation de cet accès — font des choses montrées les objets d’une attention artistique et possiblement d’une reconnaissance (immédiate et/ou durable). Chaque chose peut être vue artistiquement et chaque engagement vers une visibilité peut contribuer à la reconnaissance artistique.
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Le lieu de production est un premier geste qui détermine la portée de l’œuvre : où et dans/à quelles conditions sera-t-elle visible (à partir des conditions qui l’ont vue se réaliser) ? Les conditions de production et leurs dynamiques impliquent les conditions de monstration comme effets des dynamiques — les dynamiques comme mouvement des conditions. Comment VOULOIR toucher le plus grand nombre possible — de publics différents, de types d’espaces et de mètres carrés — en se cantonnant au mode de production traditionnel de l’artiste solitaire (ou entre collègues) dans son espace réduit (car généralement coûteux) ?
« Entre-soi / entre-sol » est une curieuse stratégie d’ouverture au monde…
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On peut imaginer qu’une logique opérante des contraires puisse assurer que le « plus petit seul » nous offre le « plus grand ensemble » mais à recevoir les intentions généralement déçues des artistes en matière de « popularité » du travail montré, il semblerait que ça ne fonctionne pas…
À l’opposé on peut considérer certaines pratiques, plus reconnues et constater que généralement leur plus « grande distribution » nécessite la mise en place d’une logistique du nombre dès la production : grands espaces et beaucoup d’assistant·es. On comprendra que ce contre-exemple soutient l’ironie d’une économie plutôt éloignée de celle des artistes qui regrettent de faire de l’art pour artistes.
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Pourtant, sans que cela ne soit l’objectif premier de ces « grandes machines » de l’art, l’investissement financier qu’elles engagent implique une équivalence au moins de la monstration et alors d’une popularité grand large, résultat du renfort promotionnel à la hauteur de l’investissement. Plus une valeur est soutenue plus elle coûte plus elle doit rapporter et être exploitée en conséquence et sera alors plus visible que d’autres moins soutenues, ce qui viendra établir sa pertinence par contraste : la qualité ici se fait par le nombre (à moins que cela ne soit un régime commun de ce qui est estimé : ce sur quoi on peut établir une communauté du goût — la quantité).
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Cette quantité/surface de visibilité aura forcément pour effet une rencontre publique proportionnelle, simplement comme moyen d’une conquête des grandes machines et non comme fin : si les productions artistiques ambitieuses en termes de reconnaissance par les pouvoirs financiers (réciprocité du retour sur investissement plutôt rentable) pouvaient atteindre cet objectif sans le secours des foules, elles s’en passeraient évidemment…
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Quand l’intention n’est pas le nombre mais simplement la différence de qualités de réception du travail, la stratégie ne peut pas être celle d’un devenir propre aux « grandes machines ». La collectivité du lieu commun (non exclusivement artistique) qui n’impliquerait aucun débordement financier (voire aucune étude budgétaire) resterait la solution d’une visibilité ouverte et surprenante — non déterminée — du travail*.
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Faire de l’art en situation ouverte, ce qui ne veut pas forcément dire publique ni spectaculaire, selon les contextes ponctuellement choisis ou offerts et régulièrement extérieurs aux conditions de vie habituelles de l’artiste : s’exposer avant d’exposer. Vivre les moments de production/monstration artistique sur le mode de l’aventure : épisode de crise limité dans le temps sans forcément de rupture entre les deux moments de la pratique : le faire et le voir. La manière de faire impliquant le régime de monstration.
Le public présent sera forcément le bon, car le seul ayant pu arriver là…
