
Les traces d’un voyage effectué il y a des années pour voir toutes les peintures de Vermeer se révèlent au contact d’une situation, d’une parole, d’une sensation. Il en découle parfois de courts textes dont certains paraîtront ici.
Dix ans après. Au moins dix ans après. Dans un bar à vin de notre village, un endroit recherché qui à l’époque ou j’ai fait le voyage Vermeer était un bistrot auquel on aurait décerné le prix du décor le plus moche de la région.Tout a changé. Dix ans après, douze ans. Le village, grâce à ses nouveaux habitants, s’est transformé en une petite cité prisée pour son attrait culturel.
Tu me demandes pourquoi mon premier texte porte sur La jeune femme assoupie. Je ne sais pas. C’est le hasard. C’est le premier qui m’a semblé présentable quand je suis retournée dans les notes que j’avais prises pour ce livre sur Vermeer que je ne ferai pas. J’ai des centaines de petites histoires. Il s’agissait d’écrire chaque fois qu’une pensée, une image d’un tableau de Vermeer me passait par la tête, que quelque chose dans la vie quotidienne me faisait penser à Vermeer. Comme ce moment présent où nous sommes en train d’évoquer le voyage que j’avais fait un été pour voir tous les tableaux de Vermeer en dégustant un vin dans des verres qui ressemblent à ceux de ses tableaux.
Vous êtes les seuls à savoir quelle nouvelle de Virginia Woolf a inspiré le texte que Tina a publié le dernier à propos de la Jeune femme assoupie. Un été nous avons tourné dans mon jardin un petit film qui essayait de mettre en scène cette nouvelle. C’était peu après le voyage Vermeer. L’été où nous avions décidé que nous tournions un film par jour. Nous nous faisions lire des textes. Nous prenions un moment pour en assimiler la teneur. Nous choisissions chacun un personnage. Nous allions solliciter des amis si le nombre de personnages le nécessitait, et on tournait le film dans la foulée avec une petite caméra DV. Nous nous demandons en silence ce que sont devenus ces petits films.
En juin vous allez faire un voyage aux Pays-Bas et vous séjournerez à Delft. Je décris ce qu’il reste de cette ville dans ma mémoire. Quelques traces d’un séjour pour écrire ce livre que je n’ai pas réussi à écrire. Un cinéma dont j’ai gardé longtemps le ticket d’entrée qui portait sur une face une reproduction miniature de la vue de Delft de Vermeer… Le marché aux fleurs. L’immense marché aux fleurs. La prétention de cette ville pleine de cafés agréables sur les places et le long des canaux à être restée comme elle était au XVIIème siècle. Intacte. Les maisons de maîtres dans leur décor d’époque où on découvre la faïence inspirée de la porcelaine chinoise que les marchands de la compagnie néerlandaise des Indes occidentales rapportaient de leurs voyages lointains avec toutes sortes de bien qui enrichissaient leur ville et leur pays. Les carreaux de faïence bleue ébréchés vendus dans les brocantes avec les mêmes motifs que ceux qu’on voit sur les carreaux des intérieurs peints par Vermeer. Le Vermeer Zentrum où vous pourrez photographier vos visages derrière une silhouette en carton reprenant celle de la Jeune fille à la perle.
Cette Jeune fille à la perle, que nul n’ignore aujourd’hui, produit phare de l’industrie culturelle, est sortie des limbes à la fin du XIXème siècle. On ne sait rien du tableau à l’époque où Vermeer l’a peint. On n’est même pas sûr de l’identifier parmi les peintures qui à sa mort lui étaient attribuées.
#96/ Tout autour de Vermeer (1)
#98/ Tout autour de Vermeer (2)