
Hubert Guillaud, Les algorithmes contre la société
éditions La Fabrique, mars 2025, 14 euros

« Hubert Guillaud décrypte le fonctionnement de ces systèmes qui ne sont pas seulement défaillants et opaques mais intrusifs et despotiques. Alors que les possibilités ouvertes par la révolution numérique se referment sur nous comme un piège, il appelle à remettre la démocratie et la justice au cœur des calculs – ou à nous en défaire. »
extrait quatrième de couverture.
La thèse du livre est aussi claire qu’argumentée. La projet de société numérique est pilotée par l’idéologie néolibérale et non pas par des amoureux du bien-être, de l’émancipation et de la démocratie. Les biais des algorithmes utilisés par les entreprises privés (par exemple pour le recrutement ou la gestions des plannings des employés) ou par les services publics (par exemple la CAF ou France Travail) sont toujours discriminants, toujours orientés sur les plus précaires, toujours orientés vers la maximisation des profits. Au moment ou les polémiques sur les aides aux entreprises françaises sont légions, personne (ni l’État ni les entreprises bénéficiaires) n’est capable de justifier et d’évaluer ces aides (dommage qu’il n’y ait pas d’algorithmes créé pour cela plutôt que pour récupérer quelques millions d’aides sociales). Les chapitres 1 et 2 (sur 5) nous détaillent cela, avec un appareil critique assez fourni. Le chapitre 3 (Du marketing à l’économie numérique : la discrimination pour le profil) fait un tour d’horizon des nouvelles pratiques, des nouveaux outils numériques utilisés pour le profilage des clients, pour générer des prédictions (toujours aussi incertaines) mais surtout générer des données, ces mines d’or de l’économie. Le chapitre IV (De l’autoritarisme du numérique au risque fasciste des calculs) commence ainsi : « Il ne faut pas confondre l’autoritarisme des plateformes avec l’autoritarisme des « oligarques cupides de la tech ». Les grands patrons visionnaires de la Silicon Valley, adulés pour leur réussite économique, se distinguent surtout par leur style managérial brutal et tyrannique. Ils adhèrent massivement à une vision du monde hostile aux travailleurs. Bezos a bâti sa fortune sans considération pour ses magasiniers, payés à des salaires si faibles qu’ils sont nombreux à bénéficier de l’aide sociale. Les usines de Musk ne sont guère plus reluisantes : les accidents y sont deux fois plus fréquents que dans les usines du secteur de l’automobile. Dans ce « capitalisme sans capital », l’exploitation des travailleurs est fructueuse. Le capital-risqueur Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, pompeusement présenté comme le plus philosophe des entrepreneurs pour sa copieuse littérature managériale, explique que les entreprises ne doivent aucune loyauté à leurs employés et encourage les travailleurs à se considérer comme des indépendants. La vision du monde de ces entrepreneurs relève du pur cynisme. » pp 123-124.
Et enfin le chapitre 5 (Calculer autrement), chapitre le plus court mais peut être annonciateur d’un prochain livre, envisage ces outils numériques dans une perspective de gauche, collective et non plus individualiste.
Un essai court et clair, critique et motivant qui se détache largement de la production des essais sur le sujet.
Hubert Guillaud est animateur du blog Dans les algorithmes
https://danslesalgorithmes.net/
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