
Dans mon article du 24 août (#151), j’ai dit comment j’avais (enfin) découvert que « la planète » était ronde, et qu’il était, par voie de conséquence, tout à fait impossible qu’elle soit sous mes pieds… Une révélation d’une telle ampleur se devait d’en entraîner d’autres dans son sillage immédiat. Médiocre César vibrant à l’unisson d’une Cléopâtre radiodiffusée, m’est en effet venue alors une soudaine conscience, à un niveau plus général, de toutes ces choses qu’on ne cesse de déposer à nos pieds, afin d’en disposer à notre guise — au risque, pour nous, de confondre distance critique et extériorité radicale, le tribut dû aux puissants et l’aumône aux impuissants… Nous sommes accablés d’offrandes, ai-je pensé, et ne manquons jamais d’en solliciter de nouvelles : plus de services inutiles, plus de recommandations personnalisées et de paroles en l’air, plus d’automates à notre botte (ce que mon ami Jean-Daniel Doutreligne appelle « l’avènement du dieu esclave »)… La veille de mon épiphanie planétaire et plantaire, j’avais entendu que les représentants d’une association mémorielle, qu’inquiétait le contenu annoncé d’une fiction télévisée historique, déclaraient attendre que la chaîne leur « ait fourni ses éléments de langage » pour se prononcer définitivement.
Ces éléments de langage — sic — je les imaginais maintenant pareillement disposés devant eux (j’ajoute ici un plan intermédiaire à la métaphore visuelle, genre une table, mon fétichisme des pieds devient embarrassant) à la façon d’un « kit à monter » permettant de reconstituer le discours préparé par la chaîne (à la façon d’une maquette de Spitfire ou d’une étagère IKEA) tout en le customisant, en fonction du degré d’indignation à atteindre. Enfin je pense que c’était ça leur idée… Est-ce que ce n’est pas tout de même assez pathétique, de ne plus demander des explications en bonne et due forme mais des éléments de langage ? Comprendre, des formules plus ou moins heureuses conçues, par définition, pour ne rien dire ? Fût-ce pour s’opposer, se satisfaire de cela…. Pas par naïveté, encore moins par complaisance… Par habitude.

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