Où je confirmerais qu’un site historique fermé apporte bien plus qu’il n’y paraît.
Une forteresse de montagne datant du XVe siècle, un écrin médiéval, des paysages à couper le souffle. Heureusement le château est fermé, ouverture début juillet, quasiment seule sur le site je fais le tour du donjon, l’impression de déambuler dans un décor de film en attente de l’équipe de tournage, un film d’heroic fantasy à la Game of Thrones probablement.
Je suis assise sous un arbre où une table et quatre chaises semblent avoir été disposé pour les visiteurs qui se seraient trompés de dates ou d’horaires. Une famille arrive en SUV. Eh oui c’est fermé. Le père prend quelques photos du donjon, la mère insiste pour que leurs deux enfants sortent de la voiture, prendre l’air, se dégourdir les jambes, profiter de la richesse architecturale du site. Les deux pré-ados ne semblent pas déçu d’éviter une visite par un guide trop sympathique, trop versé sur les anecdotes et une pluie de dates qui ne leur disent rien de précis. L’incarnation en princesse et chevalier sera retardée, leurs smartphones faciliteront l’attente. La mère m’adresse un signe de tête sans parole je leur adresse un coucou de la main gauche, la main droite tenant une touffe de pissenlits ramassé juste avant. Fin de l’échange, ils repartent, des châteaux il y en a partout dans la région, leur mission sera atteinte dans l’heure suivante.
J’étale sur la table les feuilles de pissenlits que je viens de ramasser, les classe par taille, les superpose puis les enroule en boule pour la salade du dîner. Je sors ensuite mon paquet de post-it vert fluo et mon feutre noir. Je veux laisser un petit mot aux prochains visiteurs du site. J’hésite plusieurs minutes avant d’écrire « Les châtelains sont partis au Super U à demain ». Je dispose le post-it sur le panneau d’information. Je vais me rassoir. J’attends trente minutes. Des jardiniers arrivent, deux dans un pick-up. Ils descendent du véhicule une tondeuse à gazon plus grosse qu’eux, il est temps de repartir au galop à travers champs, ma chevelure au vent, semant des fleurs sur mon divin passage ou plutôt, je mets mon barda sur mon dos et je repars à pied chevelure sale et emmêlée, une culotte en train de sécher au vent sur un bâton comme étendard, direction le nord.
Élisabeth Sierra : https://editionsjou.net/elisabeth-sierra/
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