Une graine pour l’anniversaire de l’art
par Aurélia Zahedi
Quand vous êtes à Reims le jour où il serait bienvenu de méditer sur la phrase « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » et bien, l’envie vous prend de planter une graine dans cette terre. Une graine invisible, dans le noir, qui, sous des airs d’endormie, mijotera des tas de réflexions pour espérer que certains fantômes comme Robert Filliou viennent secouer les vivants.
Alors, ne choisissons pas n’importe quel jardin public pour planter cette graine.
Rendons-nous dans le Parc de Champagne à Reims, celui qui, à l’origine était destiné au personnel de la Maison Pommery, une des plus grandes marques de Champagne, et aujourd’hui laissé ouvert au public trop généreusement par son propriétaire. Nous sommes à notre place puisque le Groupe Vranken Pommery Monopole (nouveau nom de la Maison) est récompensé en 2012 par l’État en recevant la médaille de « Grand Mécène de la Culture ». Nous passerons, si vous le voulez bien, sur cette condamnation en justice en 2015, pour avoir fait détruire par une société de nettoyage, la sculpture monumentale d’une artiste contemporaine, acquise quelques mois avant, qui devait certainement prendre trop de place au château. Espérons aussi que cette graine n’ai pas tant besoin de ressources puisque ce parc est le fruit de l’habileté humaine, répondant aux caprices des bulles et à la volonté de dédier l’espace à l’entraînement des Jeux olympiques. Le déplacement de 492.000 m3 de craie et l’apport de 278.000 m3 de terre végétale venus des quatre coins de la France promettent alors le même charme que celui d’écouter du fado sans mélancolie.
C’est dans le jardin des simples, situé dans un coin du parc artificiel que nous choisissons l’emplacement de la plantation de la graine. Si elle est à la fois élixir et empoisonneuse, elle saura infiltrer de la poésie à nous autres, affamés de rêves. Cette graine est une prière pour l’anniversaire de l’art. Et puisque le visible nous éclabousse, faisons alors confiance à l’invisible.
« l’essentiel est invisible pour les yeux »
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince