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Augusta Fripes, entretien avec Héloïse Aloncle
par DeYi Studio
Augusta Fripes est une friperie située au 3, rue Descartes, 35000 Rennes. Ce lieu atypique se trouve à proximité des Champs Libres et offre une expérience originale et engageante dans une cour intérieure typique du centre-ville. L’endroit est décrit comme accueillant, avec une atmosphère qui invite à la méditation loin du bruit de la ville. Augusta Fripes propose une sélection variée de vêtements vintage et décalés, accessoires, bijoux, sacs, et plus encore, dans une ambiance artistique et poétique. Les visiteurs peuvent y dénicher des pièces uniques, allant de tuniques à robes longues, en passant par des manteaux et jupes. Les habitués apprécient l’aspect «shopping underground» et la surprise de découvrir de nouveaux trésors à chaque visite. Le nombre de boutiques de seconde main en Bretagne a augmenté de 30 % au cours des cinq dernières années. À l’échelle mondiale, le marché de la friperie devrait atteindre 77 milliards de dollars d’ici 2025.
[résumé par l’intelligence artificielle de Qwant]
Après des études et un diplôme en art tu as décidé d’organiser ton activité autour d’Augusta Fripes. Peux-tu nous dire ce qu’est Augusta Fripes ?
Augusta Fripes c’est le surnom, celui que j’utilise pour Instagram. Le nom complet c’est « Augusta, fripes mixtes et conceptuelles ». Si je reviens un peu en arrière et si j’explique en commençant par « conceptuelle », c’est juste venu d’un encart publié dans un magazine en 2018 Augusta n’existait pas encore mais j’avais déjà les pieds dans la fripe, et il était question de la friperie la plus conceptuelle de Rennes. J’ai gardé ça. Et ensuite il y a « mixte » qui me paraît un mot essentiel dans ce que j’ai envie de faire avec Augusta. Quand on parle des vêtements on trouve souvent la mention « unisexe ». Je trouve ça débile. « Unisexe » cela n’a pas de sens pour moi. « Mixte » cela englobe ça mais j’ai envie qu’il y ait une grande diversité parmi les gens qui viennent voir ce qu’Augusta propose. Grande diversité dans les revenus, dans l’origine sociale ou ethnique, et puis surtout tous les âges et toutes expressions de genre. Je sais bien que je ne vais pas atteindre tout le monde. Je vois bien qu’il y a un certain type de client et cliente, mais j’essaye d’ouvrir à une diversité assez large. Ensuite il y a « fripe ». C’est un vieux mot. Aujourd’hui j’ai l’impression qu’on l’utilise pour dire des choses de seconde main pas chères. J’ai l’impression pourtant que « fripe » cela pourrait vouloir dire beaucoup de choses. C’est un mot qui voulait dire chiffon, qui veut dire froisser. Il y a aussi fripon, qui est un voleur. On peut trouver des petits bouts de la fripe un peu partout, et ce truc de chiffon je l’aime vraiment bien parce qu’on peut partir d’un truc vraiment moche et en faire quelque chose de très beau et qui acquiert une valeur. Je pense que la fripe peut être belle, et pas juste un truc pour ne pas dépenser d’argent. Et puis Augusta, c’était ma grande tante, la demi-sœur de ma grand-mère, qui avait un accessoire de mode exceptionnel, la petite capuche en plastique pour se protéger de la pluie. J’ai choisi son nom fin 2020, en novembre, pour parler d’Augusta. Voilà, ça c’est l’explication de mon nom.
Tu disais que tu avais déjà un pied dans la fripe avant Augusta. Peux-tu nous dire ce qui t’a conduit à cet intérêt pour la fripe ?
J’ai commencé cette activité parce que mes parents sont brocanteurs tous les deux, et depuis mon enfance j’ai vu comment on travaillait dans ce domaine. Ado, quand j’ai voulu gagner un peu d’argent, j’ai commencé à travailler avec eux et à m’occuper surtout de la partie vêtement. Sans m’en rendre compte, je suis devenue professionnelle de ce domaine sans l’avoir étudié, par une sorte d’apprentissage continu.
Tu as suggéré qu’à partir d’un chiffon très banal on peut obtenir quelque chose de très beau. Il y a donc une part de ton travail qui relève de la transformation, de la création de ces vêtements ?
Pour moi, oui, c’est hyper important, c’est une grande partie de ce que je fais. Ce n’est pas le cas de tout type de friperie. Pour décrire la manière dont je travaille, ça commence souvent avec mes parents lorsqu’ils vident une maison. Cela peut être une succession, un départ à la retraite. Je m’occupe alors des vêtements. Mais il y a aussi des gens qui me contactent, via Google par exemple, qui m’appellent « voilà j’ai telle chose à vendre, est-ce que cela vous intéresse ? ». Je vais chez les gens, je regarde ce qu’il y a, j’estime et je propose un prix, et ensuite j’ai du stock. Parfois quand il faut vider toute une maison, il faut aussi vider tous les chiffons, tous les vieux trucs au fond du placard. Ça peut être des collants troués, mais ça peut-être aussi un très beau pull en laine d’agneau complètement mité. Et ce que j’ai commencé à travailler depuis deux ans environ, c’est de réparer les choses, depuis un point ou normalement ce vêtement devrait être destiné à la poubelle. Mais la fripe m’a donné un tel dégoût de la quantité de fringues qui a été produite et qui est encore produite que je ne me vois pas jeter des choses qui sont de bonne qualité.
Dans transformation on pouvait entendre reconfiguration ou transfiguration. Mais tu parles là plutôt de récupérer, rénover, sauver ?
C’est pas vraiment récupérer, c’est plus que ça. Sauver n’est peut-être pas le mot, mais transfigurer oui, parce que cela n’aurait pas de sens juste pour rénover. Parfois je passe 50 heures sur un pull et ce serait invendable comme vêtement. Il perd son statut de vêtement en essayant de le regagner. C’est comme si je mettais du plâtre sur un mur où il n’y a que des trous. Le vêtement qui a été mité ou sali, on lui rajoute des couches et des couches d’histoires et de temps. C’est ce temps qui fait la nouvelle valeur du vêtement. À porter c’est un truc incroyable. Cela pose des questions sociales : qui de nos jours porte des vêtements abîmés, puisque l’on a accès tout le temps à des vêtements propres et neufs, et qui « font bien ». Si j’y ai passé 50 heures, est-ce que cela peut s’acheter ?
La nouvelle valeur que tu évoques est-elle viable ? Arrives-tu à vendre ce vêtement au coût du travail que tu as investi ?
Pas du tout pour l’instant. Ça c’est plutôt le travail d’Héloïse. Le travail d’Augusta c’est de faire attention qu’il y ait toujours des choses qui n’ont pas besoin de temps pour équilibrer ça. Chaque fois c’est une affaire de balance. Parfois j’ai beaucoup de chance et je trouve des choses incroyables pour vraiment pas cher, et c’est ça qui fait que je peux passer 50 heures sur un pull qui moi me semblera très beau.
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Est-ce que ton activité est liée à ce qu’on pourrait appeler la culture beaux-arts. C’est- à-dire une attention particulière portée à la manière de s’habiller, mais sans budget, comme on l’observe chez les étudiants en art. Et quelle est la part chez les gens qui achètent tes vêtements d’un refus de la logique de consommation et d’un souci écologique ?
Parfois j’ai l’impression que l’aspect écologique est un peu hypocrite. Les gens qui le mettent en avant peuvent être des professionnels de la fripe qui font appel à des grossistes. Ou alors des particuliers qui achètent beaucoup et qui se dédouanent parce que c’est de seconde main. Donc je ne m’attarde pas trop sur la notion d’écologie, mais pour ma propre consommation je n’achète plus de vêtements neufs, ça s’est fait comme ça de toute façon, et puis je n’en ai plus envie.
Parmi mes clientes et mes clients il y a plein de gens qui étudient l’art ou assimilé, mais il ne recherchent pas forcément des pièces d’exception, ou historiques, plutôt des choses pas très chères qu’il peuvent transformer. Parfois ils achètent un truc qui leur fait trop envie, mais c’est justement ce truc d’envie et de curiosité qui dernièrement m’a fait réfléchir sur Augusta : que doit-elle faire, à qui doit-elle s’adresser ? J’ai l’impression que je vais tendre à renoncer à travailler pour mes pairs, c’est à dire que je vais renoncer à trouver des choses pas chères, marrantes. Je vais plutôt choisir des choses très belles, qui me plaisent vraiment, qui ont des choses à raconter, sur l’histoire de la mode, sur l’histoire du textile, et avoir quelques petits trucs en plus, en fonction de là où je vais vendre. Il y a des types d’événements que je fais où je sais qu’il y aura des gens qui cherchent des petits machins pour rigoler. Ça ne me déplait pas, j’ai juste besoin de curiosité et de beaucoup d’attention pour que tout le travail que je déploie ne soit pas ignoré en allant vers le petit prix.
On pense souvent l’art dans son rapport à un public, le commerce dans un rapport aux clients et les services dans le rapport aux usagers. Comment décrirais-tu ta relation aux gens qui fréquentent Augusta Fripes ?
J’aimerais faire de mes clients mon public. J’aime bien avoir un lieu où je peux accueillir des gens avec qui échanger. Là je suis en vacances parce que l’atelier où je travaillais à changé de propriétaire. Je voulais en faire un endroit presque théâtral, avec des choses sur tous les murs, un endroit qui raconte plein d’histoires, avec de multiples couches de narration, du sol au plafond. Quand on entre, on se demande ce qui se passe. Je ne fais pas ça pour que les gens achètent. Je ne cherche pas à ce que les gens achètent systématiquement pour beaucoup d’argent. Je veux vraiment qu’on se pose des questions. En fait les personnes dont j’attends la curiosité ne sont pas seulement les personnes qui vont me faire vivre. Les personnes qui me font vivre ne sont pas mes pairs. C’est souvent des femmes de 45 ans, d’une classe bourgeoise, qui n’hésitent pas à acheter quelque chose qui leur plaît. Et l’endroit que je propose leur plait aussi.
Augusta, elle est liée à moi. Là où je suis il y a mes vêtements et leurs étiquettes avec des photos anciennes. Ça c’est Augusta, et Augusta se déplace, elle est dans plusieurs lieux. Le Comptoir du Chineur c’est depuis 2007 la brocante de ma mère. Il y a quatre ans j’ai commencé à mettre des vêtements dans sa boutique sous le nom d’Augusta. Augusta est hébergée par le Comptoir du Chineur. Ce n’est pas un endroit qui m’appartient. Je travaille avec ma mère, mais c’est sa boutique avant tout. C’est ouvert le mercredi, le vendredi et le samedi après-midi. L’autre lieu, qui s’appelait l’Arrière-Boutique, était plutôt caché, au fond d’une cour. C’était en fait l’atelier d’Héloïse mécéné par Augusta. Augusta payait le loyer mais il y avait surtout mon travail d’artiste fripière. C’était ouvert seulement le mardi, mais j’entrouvrais souvent la porte pour les rares passants de la rue Descartes.
Il y aussi des endroits que j’investis ponctuellement, avec notamment le collectif dont je fais partie, qui s’appelle « les Surannées ». On est cinq friperies et une brocanteuse et on fait des événements à Rennes, qui durent de un à trois jours. On est en train d’imaginer un marché de la fripe pour Rennes, sur le modèle des marchés à la brocante, qui serait mensuel. Et il y a des événements que je fais toute seule, parfois sur la côte, surtout l’été. Des déballages qui existent depuis longtemps, où il faut jouer des coudes pour trouver une place. Pour faire un pont entre fripe et art, on avait organisé un petit défilé, c’était à Saint Lunaire, où il y a beaucoup de touristes en août. Et ça c’est à ciel ouvert, c’est dans un champ. Voilà les endroits où je vends. Je vends très peu sur internet, cela ne m’intéresse pas du tout parce que je n’arrive pas à y créer un endroit et un espace de discussion.
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Tu parles d’Augusta et d’Héloïse. Il y a une sorte de dédoublement. Considères-tu qu’Augusta Fripes te permet de financer ton activité artistique, ou peut-on dire qu’Augusta Fripes est ton activité artistique ?
J’aime vraiment beaucoup avoir une double vie, et utiliser parfois Augusta comme pseudonyme. Je peux me présenter aussi bien comme artiste, comme fripière, ou comme artiste-fripière. C’est assez poreux. Augusta permet à Héloïse des revenus, Augusta permet à Héloïse des ressources de matériaux gratuits. Parfois Héloïse amène à Augusta ses idées de scénographies et d’objets, et c’est ce qui fait la différence avec beaucoup d’autres friperies rennaises.
Est-ce que les personnes qui achètent perçoivent et sont intéressées par cette double lecture de ton activité ?
Oui, beaucoup de gens me posent des questions. C’est quoi ça, c’est quoi ça, les trucs qui apparaissent comme ça, qui sont inhabituels. D’autres personnes ne posent pas de questions mais voient et apprécient. Très peu de personnes ignorent la dimension artistique. En fait, peu de personnes viennent juste pour acheter. Mais tout le monde ne connait pas mon parcours et mes autres activités. Parmi mes clients, beaucoup apprennent après que je m’appelle Héloïse, que je ne suis pas Augusta.
**Il y a donc bien dédoublement, mais pas séparation. Il n’y a pas de coupure entre ce qui serait une activité alimentaire d’un côté et ce qui serait une activité artistique d’un autre côté. Il y a plutôt superposition de ces deux niveaux dans une même activité ?
Oui, vraiment. Certes mes revenus viennent d’Augusta donc cela pourrait être considéré comme un job alimentaire. Mais vu le compromis de temps fait pour Augusta il fallait que ça me plaise beaucoup de toute façon. C’est un compromis de temps pour m’assurer une stabilité.
Pas de coupure, mais une différence de degré dans la production d’Augusta Fripes. Des vêtements plus ou moins investis par le travail artistique, et des vêtements plus ou moins pertinents comme simplement de la fripe ?
Exactement.
Quand tu mets en scène dans l’atelier, caché, ou quand tu crées une scénographie sur un marché, il y a aussi une double lecture. C’est à la fois une mise en valeur des produits que tu as à vendre, et en même temps cela vaut pour soi-même comme un événement ou une installation.
Sur les marchés c’est beaucoup plus compliqué parce que cela prend du temps. C’est plus des indices. Par exemple, toutes les étiquettes des vêtements c’est des petites photos anciennes, la plupart des années 50, ou entre les années 30 et 70. Et ça, ça interpelle toutes les personnes, vraiment. Très très peu de gens ne m’ont pas dit « mais c’est quoi toutes ces photos » ? En fait c’est juste une histoire en plus. On repart avec un bout de famille qu’on ne connaît pas, et que plus personne ne connaît. Ça fait partie des indices de la mise en scène qui pourrait être, qui est déjà faite et que je n’ai pas besoin d’installer sur un événement ponctuel.
C’est une sorte de narration qui accompagne les vêtements. Et ces photos, tu les obtiens comment ? Sont-elles en rapport étroit avec chaque vêtement ou est-ce juste une connexion vague avec l’époque des vêtements ?
Je trouve en général les photos aux mêmes endroits que les vêtements. Quand je suis dans une maison à vider je cherche et je trouve. Parfois quand c’est des personnes je leur demande. C’est aussi arrivé plus d’une fois qu’on m’en amène. « Ah, mon père n’avait plus de mains mais il adorait la photo, voilà tous ses tirages », ce genre de méthode. Souvent les photos sont plus anciennes que les vêtements, mais parfois j’ai réussi à trouver les vêtements en photo et c’est trop bien, j’adore ça.
En complément il y a un travail de photographie de tes vêtements qui accompagne leur présentation ?
Oui, il y a beaucoup de production de photos et des vidéos, de plus en plus. J’utilise des personnes de mon entourage, des amis ou des clients et clientes parfois pour poser pour différentes choses. J’avais commencé avec ma sœur, ce qui était vraiment pratique. Je pouvais expérimenter plein de choses avec elle. Elle voulait bien m’accorder du temps et avait envie d’inventer des histoires. J’avais envie de faire des mini scénarios avec Augusta. Ça prend vraiment beaucoup de temps et je ne le fais pas à un rythme soutenu, mais je continue à le faire pour mettre en valeur.
Tout évolue. Quand je regarde le contenu que je faisais avant et ce que je fais maintenant ce n’est pas tout à fait la même chose. Les pièces que je mets en avant sont différentes aussi. Je choisis des vêtements sur lesquels j’ai des choses à dire et je les met en scène comme des mini films clichés. Tout est assez cliché pour que ce soit assez percutant, mais à la fois on sent qu’il y a un basculement hors du cliché.
Quel est le rôle de cette production d’images sur Instagram et l’intérêt que tu y trouves. Est-ce que cela joue dans l’activité commerciale d’Augusta fripes en produisant un effet de curiosité, une attention, ou est-ce plutôt un développement artistique et personnel autour d’Augusta fripes ?
Ça ne génère pas autant d’attention que je voudrais. C’est une question de marketing. C’est une vitrine qui ne génère pas des ventes directement, mais si on regarde on comprend ce qu’on va trouver. C’est quotidien. Je mets des story pour rappeler les horaires, rappeler les adresses, parce tout va très vite et les personnes qui regardent oublient tout le temps. On est surchargés d’informations.
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En cherchant Augusta Fripes sur Qwant on trouve un certain nombre de qualificatifs intéressants. On lit bien sûr « rétro » et « vintage », ça c’est clair. Puis on voit « singulier », « décalé », « conceptuel ». Est-ce que ce sont des termes que tu introduis en parlant avec les journalistes de la presse locale qui s’intéressent à Augusta Fripes, ou est-ce que ton activité est assez différente pour susciter ces qualificatifs ?
Le premier article parlait des mini telenovelas que je fais. Cela permettait un lien très simple entre les scénarios d’une part et les vêtements d’autre part. J’avais bien aimé cet article. D’autres ont été faits plus rapidement, pour Ouest France, Rennes Infos Autrement, des choses brèves, qui ne m’ont pas beaucoup plu parce que c’était juste mettre en avant les petits prix et les belles fringues, ce qui n’est pas très intéressant. Mais il y en a eu un pour lequel j’ai répondu à des questions par écrit qui ont été ensuite remises en forme. Et là j’ai plein de choses à dire en expliquant comment on passe de la simple vente à une mise en scène un peu surprenante.
L’IA de Qwant emploie la formule « ambiance artistique » pour décrire Augusta Fripes. Qu’est-ce que ce serait selon toi une ambiance artistique ?
Ambiance artistique, singulier, poétique, ce n’est pas des termes que moi j’utilise. C’est un peu trop évanescent. Ça sonne un peu creux. Conceptuel, c’est plutôt une blague. C’est pas mes propres termes.
L’expression est inattendue. Elle relève bien sûr du style journalistique, mais ne faut- il pas l’assumer ? Nous parlions toute à l’heure d’une affaire de degré plutôt que de statut clairement établi. « Ambiance artistique » cela renvoie à une appréciation vague plutôt qu’à un tout ou rien. Le flou de la notion à l’avantage d’éviter de se focaliser sur la question du statut.
Oui on peut le dire comme ça, mais je ne pense pas qu’il ait été écrit comme ça. Je pense qu’il a été écrit de façon assez superficielle.
Peux-tu nous parler de l’économie de ton activité. Est-ce que tu arrives à en vivre correctement. Est-ce qu’il y a assez de place à Rennes pour cinq friperies ? Entretenez-vous des rapports de solidarité ou de concurrence ?
J’arrive totalement à vivre de la friperie. C’est mon seul revenu et je vis confortablement. C’est un travail assez intense parce que cela doit-être continu pour que cela marche vraiment bien. Si je travaille un peu moins mes revenus chutent beaucoup, si je travaille un peu plus mes revenus augmentent un peu. Il faut trouver une continuité. C’est fatiguant mais justement, toujours travailler en collectif cela m’aide beaucoup. Et dans le collectif des Surrannées c’est l’inverse de la concurrence. Il y a bien plus que cinq friperies à Rennes. Il y a des magasins un peu plus importants qui travaillent avec des grossistes, d’autres qui travaillent avec des créateurs, des petits créateurs de vêtements, de bijoux ou d’accessoires. Je n’ai pas compté. Peut-être qu’il y a une vingtaine de magasins et une vingtaine d’itinérants qui ne font que des déballages. Comme il y en a tellement j’ai l’impression que les gens sont submergés par l’offre, et les gens qui n’en vivent pas forcément me font défaut, parce qu’ils proposent quelque chose que moi j’ai en mieux et du coup ce que j’ai peut être effacé parce qu’ils ont réussi à prendre telle ou telle personne. Je pense que je fais un travail de qualité et ce n’est pas le cas de tout le monde. À la fin du Covid il y eu un moment une facilité pour se faire de l’argent en ligne avec la fripe, mais cela commence à baisser et je vois plusieurs personnes arrêter, donc j’imagine que dans deux ans je pourrais travailler un peu moins tout en gagnant mieux.
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Dans le collectif Les Surranées, vous êtes-vous reparties des créneaux commerciaux ou cela se fait naturellement ?
Comme on n’est pas les mêmes personnes on aime différentes choses et on n’a pas les mêmes choses à proposer. Parfois cela se recoupe, mais pas souvent. Il y a deux personnes avec qui je m’entends mieux, en tous cas dans notre sélection de vêtements et avec elles on a ouvert un endroit jusqu’en juin, et c’est vraiment très haut de gamme ce que l’on propose. Avec le collectif l’offre est large. Il y a des vêtements parfois plus récents, plus streetwear ou sportwear, il y a plus de brocante. On ne se marche pas sur les pieds. C’est une façon de travailler ensemble, de se rendre service. Par exemple pendant ces trois semaines où je suis absente elles travaillent pour moi.
Pourquoi refuser de vendre en ligne ?
Je n’aime pas ça. Cela prend beaucoup de temps et si je dois passer du temps sur quelque chose je préfère que ce soit quelque chose que j’aime vraiment.
Est-ce que les conversations qui s’engagent avec tes visiteurs se prolongent d’une visite à l’autre. Est-ce qu’il y a une régularité chez les gens qui fréquentent Augusta Fripes ?
Oui, il y a des personnes qui reviennent régulièrement, qui connaissent ce que je fais et comment je pense. Augusta me permet de rencontrer des gens qui ne sont pas dans le milieu dans lequel j’ai fait mes études, et d’avoir d’autres points de vue sur la façon dont je peux travailler, qui ne sont pas forcément directement liés à une pratique artistique mais qui se rejoignent au fur et à mesure. Il y a plusieurs personnes qui m’approchent ou que moi j’approche professionnellement et avec qui je peux développer ensuite de nouvelles idées.
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Entretien en visioconférence sur JITSI, entre Shanghai et Bangkok, le 25 janvier 2025.
crédit photos : Augusta Fripes
https://www.instagram.com/augusta.fripes/