
Rio a sacrifié en quelques semaines l’équivalent de dix années d’usure de son bec mais le travail est accompli, propre, indétectable. Il attend l’occasion, l’ouverture des fenêtres pour de tout son poids faire céder la grille et quitter le couple d’humains. Il voit depuis des semaines de préparation la direction qu’il prendra, il n’est pas inquiet, il entend toute la journée des perruches à collier passer devant les fenêtres, elles ne parlent que de nourriture, le biotope local a l’air accueillant. Rio se demande combien de temps il pourra voler sans s’arrêter, deux mètres après le balcon en tombant comme une noix de coco ou atteindre le bois qu’il situe à environ deux kilomètres. Rio a intensifié ses exercices de musculation de ses ailes et augmenté ses rations de nourriture ces dernières semaines. Rio parlait intensément le matin pour être convoyé dans la cuisine et travailler tranquillement à briser le dôme de fer. Rio est concentré sur sa tache. Rio observe le couple, la fenêtre est fermée. Il s’est bien sûr abstenu de parler le matin pour rester dans la chambre près de la fenêtre. Il est prêt. Il attend. Les nuages arrivent, le vent augmente, c’est foutu se dit Rio peut-être en fin de journée. Il se retient de leur casser les oreilles avec une palette ininterrompue de mots humains qu’il a en tête mais ne veut en aucun cas rouler vers la cuisine. Le couple part en cuisine déjeuner, Rio est incommodé par l’odeur, les nuages toujours présents, ils poussent une série de petits cris en regardant son smartphone à lui en revenant dans le salon. +24% répète le couple en cœur en se tapant dans la main. Rio s’impatiente et doit sagement répéter les mots que le couple vient prononcer près de lui. Il répète. Il est le parfait perroquet attendu par le couple. Ça dure près de dix minutes, Rio n’en peut plus mais il tient bon face aux rires gras. Ça recommence mais moins longtemps quelques heures plus tard, les nuages commencent à disparaître, les odeurs immondes de leur déjeuner planent encore dans toutes les pièces, Rio pense que le couple pourrait ouvrir les fenêtres, il s’y prépare. Voilà, elle se dirige vers la fenêtre, elle s’apprête à l’ouvrir mais il pousse un cri dans la pièce voisine et elle le rejoint sans ouvrir. -28% dit-il. Ils ne les entend plus, ils sont dans la cuisine, ils s’abreuvent, ils ont ouvert la fenêtre, c’est plus risqué de traverser l’appartement et de passer sans se faire attraper ou taper dessus mais Rio n’en peut plus et va prendre ce risque. Il serait plus sage d’attendre le lendemain s’interroge-t-il une dernière fois mais la journée a été si longue, si aliénante pour Rio qui dégage son bac à graines pour accéder au bas de la grille dont il a scié les barreaux. Il attend que le volume sonore de leurs paroles augmentent en cuisine pour se lancer sur la grille le plus discrètement possible. Ça marche mais il est à moitié coincé dans le passage et mets quelques minutes pour se dégager, laissant en souvenir quelques plumes en dégradé de gris et gouttes de sang. Il vole et parcours les neuf mètres le séparant de la fenêtre en évitant le couple les bras levés pour lui barrer le passage. Il vole. -32% à la clôture des marchés.
#85/ La troisième guerre mondiale bis
#80/ La troisième guerre mondiale