Publié le 5 août 2025 #139/ Depuis trois heures, par Élisabeth Sierra Depuis trois heures Je suis ébullition J’attends sous pression Je détricote les fils de ma vie Je sais qu’à midi pile je serai différente Je suis disponible Je suis assise dos à ma bibliothèque, fenêtres grandes ouvertes, rien à signaler J’écoute les sons de l’immeuble, du dehors, rien de remarquable J’attends sous pression Je me pose des questions pour l’instant inutiles, devrais-je quitter cet appartement ? Ce pays ? Ce mode de vie ? Je vide mon esprit, je me concentre sur les sons produits par le vent J’attends J’attends la fin d’un cycle programmé à midi pile J’attends la fin d’un cycle programmé depuis trois ans pour midi pile, c’est long Des nuages apparaissent, aussi rapides que Cody Rhodes, aussi sombres que Rhea Ripley Le tonnerre, la pluie, des éclairs, aussi violents que Iyo Sky terrassant Bianca Belair Je ferme les fenêtres, il est presque midi, un éclair s’abat sur le toit de mon immeuble, les murs tremblent, les rues deviennent rivières, les alertes météo n’avaient pas la bonne couleur Il fait nuit je ne vois plus l’immeuble d’en face, de l’eau s’infiltre dans mon appartement par les jointures des fenêtres en bois, je sors les serpillières Les gouttières sont saturées, les égouts sont saturés, les trafics s’interrompent Midi pile, une série d’éclairs illumine mon appartement pendant plusieurs secondes, un effet stroboscopique d’une fête qui n’a pas eu lieu ou qui doit démarrer, un top départ ? J’enfile mon K-Way kaki et je descends, le hall de l’immeuble est une marre ou les poissons sont remplacés par des tracts publicitaires Dans la rue la pluie sur la taule des voitures produit une musique industrielle au volume sonore extrême, rythmée par des sirènes et des alarmes De l’eau jusqu’aux chevilles, j’enfile mes lunettes de piscine, ma capuche de K-Way serrée au maximum, je ressemble à une grenouille géante découvrant ébahie un nouveau biotope Les éclairs redoublent d’intensité, un nouveau record local, peut être plus Je vois passer un cadavre de chat dans le caniveau filant à tout allure, ce n’est pas mon compagnon de déambulation, où s’abrite-t-il ? Des clients sont bloqués à l’intérieur du LIDL, il m’observent collés à la vitre entre deux affiches d’une promo de la semaine, un nettoyeur haute pression à 79,99 euros Je pars malgré moi dans une diatribe sur leur mode de vie, ils ne m’entendent pas, je tire la langue à la fin de mes prédictions morales, une rafale de vent plus puissante que les précédentes me propulse à terre Je rentre chez moi, le chaos s’est éteint aussi vite qu’il est survenu, le ciel bleu et une hausse des températures quasi instantanés Il est 13h00, mon nouveau cycle débuté depuis une heure, je me regarde dans le miroir de la salle de bains, la marque rouge vif des lunettes de piscine autour des yeux, la marque rouge vif de la capuche du K-Way formant un ovale parfait autour de mon visage Je suis marquée à vif, mon nouveau masque, celui du rituel du chaos climatique qui vient de se dérouler Un masque ou des peintures de guerre, je m’interroge encore quelques heures dans ma salle de bain alors que les marques rouge vif se dirigent vers le rose (#135) Depuis trois ans(#136) Depuis trois semaines(#138) Depuis trois jours sommaire par catégories par noms newsletter dons infos Sans pub, sans subvention, en accès libre, TINA online est financé par les dons à partir de 1€ sur cette page >>>>> merci