
Les traces d’un voyage effectué il y a des années pour voir toutes les peintures de Vermeer se révèlent au contact d’une situation, d’une parole, d’une sensation. Il en découle parfois de courts textes dont certains paraîtront ici.
Je lève les yeux de mon écran et ils se posent sur un petit bateau à la voile blanche qui s’éloigne vers la presqu’île.
Un seul voilier sur la mer ce matin. Un seul voilier au mur d’un tableau de Vermeer dont le titre est La Lettre d’amour. C’est la seule fois ou Vermeer représente la mer. Représente c’est beaucoup dire car le tableau dans le tableau montre surtout un grand ciel parcouru de nuages surplombant une bande horizontale de couleur indéfinissable où s’esquisse une voile penchée.
La scène principale est vue depuis une antichambre sombre qui accentue la position du voyeur et pas du voyageur. C’est la seule fois où Vermeer a eu recours à cet artifice. Tu regardes par l’encadrement d’une porte une dame assise avec son cistre sur les genoux ; elle tient une lettre et échange un regard avec une servante debout, le poing sur la hanche. La scène de marine est derrière la servante ; les interprètes indiquent qu’à l’époque et dans ces contrées représenter un bateau sur la mer est une manière de parler d’un amoureux qui est loin.
Il y a deux paysages superposés. Celui du dessus est une scène de campagne avec de grands arbres, un marcheur solitaire le long d’une rivière, plutôt un canal. La scène semble paisible alors que dessous il y a du vent dans les voiles et que flotte sur les deux images l’allusion amoureuse.
La lumière sur les deux femmes est vive, on dirait qu’ il y a quelque part une fenêtre ouverte qu’on ne voit pas et par laquelle pénètre le souffle du matin. L’heure du ménage. Un balai, des socques, un panier à linge traînent sur le sol qui est peut-être encore humide.
Je regarde le bateau s’éloigner. Un autre voilier maintenant est entré dans mon champ visuel, par la gauche. Avec la distance on dirait qu’il effleure le cargo rouge désarmé qui stagne depuis des mois dans la rade. L’armateur est à l’autre bout du monde, ne veut pas payer les réparations de son navire. Il l’abandonne, avec l’équipage, ce sont des choses qui arrivent ici. Les marins traînent sans argent dans ce port dont ils ne parlent pas la langue.
Les femmes et les fiancées, on ne sait plus où elles sont, on ne peut pas toujours recharger son téléphone portable. L’un des marins, par désœuvrement, s’est mis à la peinture avec les moyens du bord. Il raconte son histoire sur de petits panneaux naïfs que les gens lui achètent. Il représente dans des couleurs enfantines les paysages d’ici avec toujours un bateau errant sur la mer.

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