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#52/ À propos d’une polémique par Pierre Tenne


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#47/ L’ouvrage qui tombe à pic par Christophe Leclercq


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#41/ La femme du lac de Sandra de Vivies par Éric Arlix


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#39/ M, l’enfant du siècle d’Antonio Scurati par Éric Arlix


Antonio Scurati
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Scurati

Giacomo Matteoti
https://fr.wikipedia.org/wiki/Giacomo_Matteotti

Squadrisme
https://fr.wikipedia.org/wiki/Squadrisme

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#36/ Un inventaire des résistances par Christophe Leclercq

♦ FAIRE UNE GRÈVE GÉNÉRALE. En théorie, une véritable grève générale provoquerait l’effondrement du capitalisme. Chiche ? […]

♦ JETER DE L’ARGENT DEPUIS UN HÉLICOPTÈRE (PROPOSER DE). La politique économique consistant à verser de l’argent directement aux citoyen·nes, notamment pour lutter contre la récession, est appelée « monnaie hélicoptère ». En 2000 en Italie, invité à créer une œuvre pour une exposition à Pescara, l’artiste français Matthieu Laurette propose de jeter, depuis un hélicoptère, le budget qui lui est confié. Refus (The Helicopter Project/The Money Rush). 

FAIRE GALOPER L’INFLATION. Le 7 novembre 1988, pour figurer l’hyperinflation que subit la Pologne, Krzysztof Skiba et quelques autres artistes se munissent de pancartes portant l’inscription « Inflation » et descendent en courant la principale rue de Łódź. La milice stoppe alors cette inflation galopante (Galloping Inflation).  […]

FAIRE UN TIERS. De 2006 à 2009, l’artiste français Yann Vanderme fait 33 % de toutes sortes de choses : il fait couper 33 % de ses cheveux, voit 33 % d’un film, compose 33 % d’un numéro de téléphone, etc. (Faire les choses à 33 %). 

♦ LEURRER LES MOTEURS DE RECHERCHE. À partir des années 2000, les moteurs de recherche en savent beaucoup sur les internautes grâce à l’observation de leurs requêtes en ligne. En 2006, les chercheur et chercheuse états-uniens Daniel Howeet Helen Nissenbaum mettent au point « TrackMeNot », un outil permettant de perturber cette surveillance par l’ajout de nombreuses recherches fictives. Ainsi, si une personne s’intéresse aux problèmes d’érection, ses recherches seront noyées parmi d’autres, portant sur l’éducation des chihuahuas, la physique quantique ou le débouchage des éviers. […]

♦ OFFRIR TOUT LE MAGASIN [1]. Dans les années 1960, le collectif anglais anarchiste King Mob fait imprimer des affiches proclamant « Free shopping day » et le placarde à l’entrée de grands magasins. Les affiches précisent que les client·es peuvent emporter, sans payer, un plein chariot de marchandises. Une autre fois, déguisés en pères Noël, ils dévalisent les rayons d’un supermarché de Londres et offrent les articles aux enfants. 

♦ OFFRIR TOUT LE MAGASIN [2]. En 2003, le collectif d’artistes danois Superflex met en place la gratuité dans un magasin de Tokyo (Free Shop). Aucune annonce ni explication ne sont fournies. La durée de l’opération n’est pas divulguée. Lorsque les client·es arrivent à la caisse, le total de leurs achats s’élève à zéro. 

♦ OFFRIR TOUT LE MAGASIN [3]. À Toulouse, les employé·es d’un supermarché font grève et laissent les client·es tout emporter. 

♦ OFFRIR AU MAGASIN. En 1995, l’artiste français Pierre Huyghe entre dans un supermarché, se dirige vers le rayon des livres, sort furtivement un volume de sa poche, le dépose sur la pile, puis s’enfuit. L’œuvre, susceptible de fausser l’inventaire du commerçant, s’intitule Dévoler.

La « voie balte », 23 août 1989

♦ SE DONNER LA MAIN. Le 23 août 1989 dans les pays baltes, près de 2 millions de personnes (soit un tiers de la population) se donnent la main pour former une chaîne humaine et réclamer ainsi l’indépendance de leurs pays. Cette chaîne humaine, allant de Vilnius à Tallinn en passant par Riga, sera appelée la « voie balte »

♦ RESTER ASSISE. Le 2 mars 1955 dans l’Alabama, Claudette Colvin, une jeune fille noire âgée de 15 ans, s’assoit dans un bus pour se rendre à l’école. Lorsque le chauffeur du bus lui demande de se lever pour laisser la place à un passager blanc, conformément à la loi, elle refuse. Le chauffeur appelle la police qui, face au refus persistant de l’adolescente, l’arrête et la met en prison. Elle sera ensuite condamnée pour agression sur agent de police.

♦ SE BAIGNER DANS UN CANAL. Le 21 septembre 2013 à Venise, un groupe d’activistes nagent dans le canal de la Giudecca, empêchant le passage des navires de croisière géants. Cette périlleuse baignade leur vaudra de lourdes amendes. Mais, le soir même, la ministre de l’Environnement proposera d’interdire la traversée de la Sérénissime aux monstrueux paquebots. 

♦ HÉBERGER. Au XVIII siècle en France s’amorce le contrôle des étrangers. En juin 1772 à Bordeaux, le portefaix Pierre Bernon, dit l’Espérance, héberge, sans les déclarer, des migrant·es venu·es de Touraine, de Saintonge ou du Languedoc. Son sens de l’hospitalité lui vaudra une amende. 

♦ TOUT MONTRER. De 1996 à 2003, l’artiste états-unienne Jennifer Ringley diffuse en direct sur Internet, au moyen de webcams, tous les instants de sa vie chez elle. [→ Voir aussi « saturer la CIA »] 

♦ NE RIEN MONTRER. En 1969, l’artiste états-unien Robert Barry envoie des invitations pour des expositions à Los Angeles, Amsterdam et Turin, tout en précisant que les galeries concernées seront fermées (Closed Gallery Piece). [→ Voir aussi « inviter à des expositions qui n’existent pas »] 

♦ AFFICHER SAUVAGEMENT. Au XVI siècle, l’apparition de l’imprimerie facilite le développement de l’affichage sauvage. Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des protestants collent ainsi dans Paris des « placards » anticatholiques. En réaction à ces affichettes virulentes, le roi François Ier ordonnera des exécutions et instaurera le monopole royal sur l’affichage public. […]

♦ FAIRE LA GRÈVE DANS UNE NÉCROPOLE. Au XII siècle avant Jésus-Christ en Égypte, les ouvriers bâtissant des tombes de la vallée des Rois sont affamés. Ils décident de cesser le travail. Face à cette grève – la première connue des historien·nes –, les autorités rétabliront un approvisionnement régulier en blé. […]

OFFRIR DES FLEURS. En 1965, le poète états-unien Allen Ginsberg suggère aux manifestant·es d’offrir des fleurs à la police venue les affronter. Largement repris, ce geste deviendra le symbole du pacifisme du mouvement hippie et de son slogan « Flower power ».

LEVER UN POING ANTIFASCISTE. Dans les années 1920, en réponse au salut fasciste, l’organisation communiste allemande Roter Frontkämpferbund (Union des combattants du Front rouge) invente le symbole du poing levé, signe de révolte, de force et de solidarité. Il sera mondialement repris.  

Georges Grosz, « Abrechnung Folgt ! » (On règlera nos comptes), 1923. 

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#29/ Vies sauvages de Daniel Fohr par Éric Arlix

Daniel Fohr, Vies sauvages, éditions Inculte, 2024.
242 pages – 22 euros


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#19 / Benjamin Lemoine, Chasseurs d’États, par Pierre Tenne


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#11/ Lire écouter : les sound studies pensent le son du monde par Pierre Tenne

L’Écoute. De l’Antiquité au XIXe siècle. Une anthologie – Martin Kaltenecker (sous la direction de)
 Éditions de la Philharmonie/Éditions MF, Paris, 2024, 1354 pages, 40 euros.

Critique, n°927-928, août-septembre 2024, « Sons. De la musique aux arts sonores », dirigé par Élie During et Bastien Gallet, éditions de Minuit, 192 p., 14,5€

La chanson en trend TikTok qui passe dans les écouteurs, la reprise folk ou latine d’un tube d’Outkast qu’a prévue pour ce restaurant une entreprise de marketing sonore, la compilation de salsa portoricaine des années 60 diffusée depuis YouTube dans cette fête pour trentenaires branchés, cette acid house entendue dans une friche industrielle de banlieue, ou ces trente secondes de contrebande d’une chanson des Beatles dans une émission de téléréalité. Bien souvent, la musique s’écoute sans plus savoir qui chante, ce qui est chanté, pour qui. Soudain, un album presque trentenaire d’Oasis apparaît comme n°1 au Royaume-Uni: l’histoire musicale elle-même n’est plus pertinente pour caractériser ce qui va être écouté massivement aujourd’hui.

Le détour par l’histoire invite à comprendre autrement ce qui se joue dans l’effondrement d’une certaine culture sonore, qui reste celle qu’on met en avant dans la presse spécialisée ou les programmes des principales institutions musicales, qui semblent toujours postuler un public désireux de connaître ceux et celles qu’il écoute, de posséder une connaissance fine de leur musique, et d’accéder à leurs productions musicales (en concert ou sur enregistrement) qui soit de qualité. La somme énorme produite par les éditions de la Philharmonie et les éditions MF permet de se plonger dans une histoire de l’écoute à une échelle inédite. Anthologie de plus de 1 300 pages, qui compile chronologiquement des textes, souvent courts, permettant de saisir dans chaque contexte la matérialité et la pensée de l’écoute. Chaque texte, efficacement et brièvement introduit, offre ainsi un regard sur l’écoute qui lui est contemporaine : au XVIIIe siècle, on applaudit au concert mais pas à l’église. Durant l’Antiquité, on suppose un corps auralo-mélique, les effets harmoniques de la musique jouant sur l’harmonie du corps – théorie que l’on retrouve à la Renaissance. Au XIXe siècle, une pédagogie de l’écoute se met en œuvre, estimant que le public est à éduquer autant qu’à convaincre ou séduire.

La force de l’anthologie réside dans sa capacité à faire résonner les textes à travers les siècles et les thèmes, pour ouvrir l’histoire de l’écoute à une pluralité quasi infinie de questionnements. Boîte noire pour un travail collectif autour de ce que Jonathan Sterne qualifiait de « culture sonore » (Histoire de la modernité sonore), cette anthologie permet de donner corps à un champ de recherche important des dernières années, souvent qualifié de sound studies, qui cherche à appliquer au son les approches des cultural studies. Les textes importants de ces études ont été en France édités par les éditions de la Philharmonie, qu’il n’est guère étonnant de retrouver à la co-direction de L’écoute, ni au cœur du numéro que la revue Critique consacre à la question.

Ce numéro, dirigé par Élie During et Bastien Gallet et consacré aux « Sons. De la musique aux arts sonores » permet en effet de dresser un bilan particulièrement saisissant des apports récents sur la question du son. Dans son article introductif, Bastien Gallet évoque notamment le travail de Lawrence Abu Hamdan entre 2020 et 2022, qui a filmé les violations de l’espace aérien libanais par l’armée israélienne, pour en tirer une installation audiovisuelle (Air Pressure (A Diary of the sky)) et un site internet (AirPressure.info). Le sonic art de Lawrence Abu Hamdan permet ainsi de faire émerger ce fait qui reste masqué, y compris pour les habitants qui le subissent : il existe une « guerre qui ne dit pas son nom ».

Le son, qu’il soit bruit (la « Japanoise ») ou musique, savant ou populaire, est questionné à travers la multiplicité presque délirante de ses effets sur les sociétés où il existe. Le court essai de Peter Szendy en conclusion du numéro (« Combien d’oreilles ? La place de l’auditaire ») invite à affiner notre compréhension de l’écoute dans sa dimension politique, en introduisant la notion d’auditaire : « À l’autre qui triangule l’écoute, qui la concentre sur et la dévie de l’audiendum (ce qu’il y a à entendre), nous avons donné un nom : l’auditaire, destinataire de l’écoute ». Derrière l’idée du son, le désir d’en penser la portée éminemment politique et l’implication de chaque oreille dans les enjeux sonores auxquels elle participe.

Les textes de la revue convient aussi d’autres acteurs importants, en France, de cet élan intellectuel et académique qui tarde encore à se faire reconnaître au même titre que d’autres pans des fameuses cultural studies : Guillaume Heuguet, fondateur de la revue et des éditions Audimat ; les éditions Allia, qui publient des textes importants sur Steve Reich, Stravinsky ou la salsa. Puisque Tina est hébergée par les éditions JOU, on ne peut que regretter que les travaux de David Toop, dont Ocean of Sounds (éditions de l’éclat, 2004) est cité, soient moins mis à l’honneur alors que son recueil d’articles (Inflamed Invisible) vient d’être traduit. Pour autant, ce dynamisme intellectuel attendait une cartographie et des sources : c’est ce que viennent d’offrir ces deux ouvrages.

Les musiques évoquées en introduction de cet article, que personne n’entend mais que tout le monde écoute, sont pensées dans de très nombreux espaces de réflexion et de discussion. Dans son versant optimiste, ce dynamisme éditorial traduit un besoin partagé de reprendre le contrôle de ce que devient la musique, à une époque où elle est soumise à des transformations brutales et massives. Dans son versant pessimiste, on ne peut que constater que les livres sur la musique rencontrent un succès croissant (tout de même limité) à l’heure où les phonogrammes (disques ou autres formats) sont de moins en moins achetés, comme pour offrir un autre point de vue sur ce que subit la musique, devenant de plus en plus à lire et moins à écouter.

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#5/ Pourquoi lire de la science-fiction et de la fantasy ?

Pourquoi lire de la science-fiction et de la fantasy ? (et aller chez son libraire) Manifeste pour les littératures de l’imaginaire.
Ariel Kyrou & Jérôme Vincent
éditions ActuSF
580 pages – 17,90 euros – Paru en mai 2024

Un sommaire incroyable en cinq chapitres (en 27 points) et six volets d’entretiens (19 interviews) pour nous rappeler la préciosité de la science-fiction et de la fantasy pour « penser le monde, voyager dans d’autres sociétés, nous confronter à des enjeux comme le réchauffement climatique… et pour éclairer notre propre humanité ». Il est incontestable que ce livre est passionnant, même pour ceux qui connaissent déjà bien ces genres littéraires. Chaque point est décortiqué, expliqué et procure des envies de lire ou relire des dizaines de livres, ce qui en soit est le but de ce type d’ouvrage.

J’identifie néanmoins par moment un manque, un manque de littérature, seules, semble-t-il, les histoires (les récits, les narrations) comptent, délivrent leurs métaphores, leurs scénarios, leurs rebondissements, comme si les formes ne comptaient plus, comme si seules les histoires étaient légitimes a délivrer des messages, des promesses narratives. Je sais bien que la forme roman s’est imposé dans tous les genres, seule forme capable d’être commercialisé à grande échelle mais je crois qu’il y avait dans cet ouvrage de 580 pages quelques pages possibles pour des écritures SF et Fantasy plus expérimentales, plus artistiques, moins connues (pas en pile partout), tentant des expériences textuelles dont l’aboutissement n’est pas forcément la forme roman.

Il faut lire Pourquoi lire de la science-fiction et de la fantasy ? pour aller au cœur des thématiques et des approches narratives développées depuis un siècle et demi par des les auteurs de Sf et de Fantasy, une vision globale, des interviews plutôt très intéressantes dans leur majorité, une petit glossaire en fin d’ouvrage, un livre référence pour trouver les vôtres.

Le livre sur le site de l’éditeur :
https://editions-actusf.fr/a/collectif/pourquoi-lire-de-la-science-fiction-et-de-la-fantasy-et-allez-chez-son-libraire

(Éric Arlix pour la revue TINA)

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#2/Extrême droite : la résistible ascension

Extrême droite : la résistible ascension
Ugo Palheta (dir)
collection Les livres de l’Institut La Boétie
éditions Amsterdam

TINA se dit qu’après ces séquences politiques récentes traumatisantes (l’impression de se réveiller dans la France conservatrice et dépassée de la fin des années 1960, un gros RN en plus) et pour éviter l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite française en 2027 (ou en 2025 après la prochaine dissolution), il y a du travail, de l’analyse, de la pédagogie a effectuer, pour chacun.e.s pendant des centaines d’heures. Lire ce livre pourrait constituer le départ de votre nouvelle mobilisation personnelle.

À paraître le 6 septembre 2024 aux éditions Amsterdam
http://www.editionsamsterdam.fr/extreme-droite-la-resistible-ascension/