Le numéro 2 de la revue TINA papier s’intitulera « Les I.A. ». Vaste programme où chaque jour une nouvelle annonce, une nouvelle application, de nouvelles conséquences déferlent sur homo sapiens et son cerveau pourtant bouillonnant. Et ce n’est que le début nous dit-on chaque jour. Mes premières notes (déjà dépassées par la fulgurance temporelle insaisissable de l’I.A.) et une photo inspirante.
Inquiétudes
Peurs
Comprendre les implications
Le travail disparaît
Les enjeux et les impacts purée
Skynet ?
Une machine un peu opaque
Une majorité de français se posent des questions
L’essayer c’est l’adopter
Accéder à la connaissance
On est beaucoup dans le stéréotype
La capacité de faire
Ouvrir le champs des possibles
Bullshit
C’est pas qu’un truc d’ingénieur, de geek et de djeunes
Comment l’on passe d’une logique individuelle à une logique collective
En terme d’assistanat c’est absolument fabuleux
Augmenter mes compétences, une minute au lieu de trois mois
Notamment les jeunes, plus les garçons que les filles
Pinocchio Park (extrait) de Lawrence Krauser par Frédéric Moulin
Extrait du chapitre 3 dont le narrateur mal embouché est, lui-même, une marionnette — le titre transposé pourrait en être : « L’Esprit d’étagère, suite » —, traduit par Frédéric Moulin. Version originale américaine du roman à paraître courant 2025 chez Fomite Press.
Lorsque je me prends à envisager une possible candidature à la présidence, je me rappelle ce qui est arrivé à la première marionnette star de la télé, Howdy Doody, du temps où il décida de se lancer en politique — « Le seul candidat qui soit un parfait pantin », à en croire son dossier de presse. Et il savait ce que les gens voulaient : PRIX ÉCRASÉS SUR LES BANANA SPLITS, DEUX NOËLS ET UN SEUL JOUR D’ÉCOLE PAR AN, PLUS D’IMAGES DANS LES LIVRES d’HISTOIRE, ET GRATUITÉ POUR LES ENTRÉES AU CIRQUE ET LES TOURS DE MANÈGE, telle était l’intégralité de son programme. Pourtant, cet aspirant dirigeant fantoche (au sens propre) fut kidnappé avant même d’avoir prononcé son premier discours électoral !
Le Howdy Doody Show était une émission tournée devant un vrai public, en direct, et dès 1948 il apparut que Doody avait pris son envol au-delà de ce que quiconque aurait pu prévoir, une ascension proprement fulgurante. Obtenir un billet était presque impossible. Les émouvantes suppliques rédigées des années à l’avance par des femmes enceintes restaient lettre morte, les quarante fauteuils de la Peanut Gallery demeurant en permanence promis à des postérieurs dûment cooptés. Même le petit-fils de Hoover [N.D.T. : l’ancien président, alors encore très influent, plutôt que le chef du FBI qui n’avait pas procréé] se vit dénier une place — on lui dégotta finalement un rôle de figurant dans une publicité pour du jus de raisin, en le faisant passer pour l’enfant d’un des sponsors. Doody commençait alors à présenter à peu près l’aspect qu’on lui voit aujourd’hui sur ces chars de parade aux proportions gargantuesques, tandis que ses propriétaires se cramponnaient désespérément aux ficelles de leur golden boy ballotté par les vents sauvages des guerres autour des droits dérivés. Les enfants y croyaient pour de vrai ; bien des intérêts étaient en jeu. Au milieu de cette orgie de cupidité, plusieurs poids-lourds parmi les cadres de la chaîne s’étaient mis en devoir d’écarter le premier constructeur et principal marionnettiste de Doody, Fred Paris, lequel, exaspéré et plein de ressentiment, fourra la star dans un sac et prit le maquis, lançant depuis sa retraite d’innombrables actions en justice et laissant le monde face à une énigme. Tout ce qu’il désirait, c’était une part du gâteau qu’il avait contribué à créer ; jusqu’à ce qu’il l’ait obtenue, Doody ne reviendrait pas.
Avec leur star en cavale à seulement trois heures du show, les plumes de l’émission se devaient de réagir au quart de tour, et y parvinrent avec leur brio habituel — vit-on jamais slogan plus percutant que IT’S HOWDY DOODY TIME? Le présentateur, Buffalo Bob, apparut seul ce jour-là, pour annoncer la nomination du candidat et expliquer pourquoi celui-ci n’était pas présent : le staff de la marionnette, tout en se montrant optimiste, n’en était pas moins réaliste ; ils avaient beau tous aimer leur nominé, son aspect physique constituait une vraie contre-indication, s’agissant de capter la confiance des électeurs. Il semblait l’idiotie incarnée. Aussi, même si bien sûr il va beaucoup nous manquer à tous cette semaine, Doody sera bientôt de retour avec un tout nouveau visage !
Le titulaire du poste, Harry Truman, sentit ce qui se mijotait et refusa catégoriquement de débattre avec Doody à la télévision, accusant ce nouveau médium de s’être vendu aux intérêts particuliers des grandes entreprises. C’était la politique à l’ancienne et la nouvelle tout en un, et la fission de cet atome, si réalisée, aurait pu produire une lumière considérable — peut-être le premier grand moment de politique télévisée. (Las ! on ne saura jamais comment les fanfaronnades de salon de l’agriculture du président auraient pu se mesurer à des doodyismes tels que « J’ai p’têt’ pas une beauté classique, que j’sois blond ou roux, mais vous êtes bienvenus ici en Amérique — tout l’monde est bienvenu — bienvenu partout ! »)
En coulisse, la machine était lancée qui allait créer un nouveau Doody et ainsi permettre de « remercier » Fred Paris. Nul ne s’inquiétait outre mesure de la désertion du marionnettiste — cela relevait de futilités artistiques et légales — mais Doody était la poule aux œufs d’or. Il ne restait qu’une chose à faire : appeler Disney. Sauf qu’en ces temps imparfaits, l’émission était diffusée depuis New York et seulement à l’échelle régionale, si bien que personne ne l’avait encore vue à l’ouest du Mississippi — un fait, des plus désastreux au plan démographique, négligé par les stratèges de la campagne — et il n’y avait ni ordinateurs ni fax, juste des téléphones et des gens armés de stylos, des avions, et très peu de temps. Les batteries de Disney commencèrent à chauffer dans le grésillement d’une description téléphonique, des croquis et des corrections furent échangés fiévreusement par voie aérienne d’un bout à l’autre du continent pendant plusieurs semaines, tandis que les spectateurs se branchaient sur la chaîne en retenant leur souffle, jusqu’à ce que, enfin, un paquet en provenance de Hollywood arrive chez NBC, son contenu une pure splendeur qui fit saliver l’équipe par anticipation encore juste à demi déballée. Et lorsque les cadors de la chaîne contemplèrent pour de bon le nouveau Doody amélioré, la politique fut prestement oubliée : Il a déjà son propre show, nom de dieu ! Passez-le à l’antenne ! Bon, de toute façon, ces peu farouches bulletins de vote Wonder Bread étaient voués à être joués à pile ou face.
Pour être honnête, la popularité de Doddy m’a toujours laissé perplexe. Jamais vu une marionnette aussi peu digne de ce nom : ça bougeait avec la grâce d’un orang outang bourré et n’arrêtait pas de se frotter lubriquement au mobilier. Son ventriloque attitré contrôlait si mal le mouvement de ses lèvres qu’il était impossible de les inclure tous deux dans un plan d’ensemble. Du bricolage d’amateur, franchement ; en avance sur son temps, je suppose. L’attachement de ce monstre de foire aux signes extérieurs de la personnité empeste le syndrome de Stockholm, vous ne croyez pas ? Être-un-soi à n’importe quel prix ? Comme un homme-sandwich de naissance, SERAI-N’IMPORTE-QUI-POURVU-QU’ON-M’APPLAUDISSE, et n’importe quel rôle vous tombant sous la main fera l’affaire — les jours passent, la récompense tisse sa toile qui se resserre, ce tricotage devient vital pour fonctionner, avant de le réaliser vous vous retrouvez à vous débattre à l’aveugle et crevez de désir pour une abstraction accidentelle, complètement accro sans l’avoir vu venir, mec ! Et là — au cas où vous imagineriez être encore libre — essayez de dévier un peu du scénario, juste pour un moment, juste un mot ou deux : c’est le corps entier qui se rebelle. Prenez l’exemple de la gigue faciale généralisée exécutée par un être humain chaque fois qu’il applique l’imagination à la parole — gratter nez, soupirer, éclaircir gorge, mordiller joues, déglutir, bégayer, lécher lèvres, serrer lèvres, respirer profondément, cligner des yeux et regarder à gauche ou à droite, très vite la question va s’imposer : Quelle différence, entre mentir et vivre ?
NOTE SUR LAWRENCE KRAUSER. Dramaturge, artiste et cinéaste indépendant dans un pays, les États-Unis, ayant euthanasié les utopies des années 1960 -70 dans ce domaine, Lawrence Krauser aurait pu rester ce qu’il est convenu d’appeler « l’auteur d’un seul livre » : Lemon, publié chez McSweeney’s Books en 2001, un roman traitant de l’amour d’un homme pour un citron — parti-pris antispéciste qui n’allait certes pas sans poser question en matière de réciprocité ou de consentement — et dont des extraits ont paru, traduits par Nathalie Peronny, dans le n° 5 de TINA, première époque. C’était sans compter avec Pinocchio Park, repris et retravaillé de façon obsessionnelle pendant de longues années, avant d’être enfin publié, prochainement, par l’éditeur de Peter Schumann, l’âme du très politique Bread & Puppet Theater. Dans l’intervalle, notre actualité paraît presque avoir rejoint cette fiction baroque où un Pinocchio cynique usurpe l’identité du petit Benito, un garçonnet mort dans une masure de la campagne italienne, victime de la pauvreté, des privations et de l’absence de soins, pour finalement devenir le dictateur qu’on sait. Le passage où Pinocchio harangue les asticots qui vont se repaître du corps de l’enfant, d’une grande virtuosité stylistique, a d’ailleurs été le premier que j’ai envisagé de présenter ici. J’ai néanmoins opté pour un morceau moins lyrique, plus léger, ces « considérations intempestives » d’une autre marionnette misanthrope, sur son étagère, offrant, par ailleurs, le charme supplémentaire d’un genre d’americana millésimée 50’s dont le protagoniste de bois (créé alors par Vera Wayne Dawson), Howdy Doody, s’il a bien « existé », n’est pas sans faire songer à celui que met en scène certain épisode fameux de la Quatrième Dimension.
Augusta Fripes, entretien avec Héloïse Aloncle par DeYi Studio
Augusta Fripes est une friperie située au 3, rue Descartes, 35000 Rennes. Ce lieu atypique se trouve à proximité des Champs Libres et offre une expérience originale et engageante dans une cour intérieure typique du centre-ville. L’endroit est décrit comme accueillant, avec une atmosphère qui invite à la méditation loin du bruit de la ville. Augusta Fripes proposeune sélection variée de vêtements vintage et décalés, accessoires, bijoux, sacs, et plus encore, dans une ambiance artistique et poétique. Les visiteurs peuvent y dénicher des pièces uniques, allant de tuniques à robes longues, en passant par des manteaux et jupes. Les habitués apprécient l’aspect «shopping underground» et la surprise de découvrir de nouveaux trésors à chaque visite. Le nombre de boutiques de seconde main en Bretagne a augmenté de 30 % au cours des cinq dernières années. À l’échelle mondiale, le marché de la friperie devrait atteindre 77 milliards de dollars d’ici 2025. [résumé par l’intelligence artificielle de Qwant]
Après des études et un diplôme en art tu as décidé d’organiser ton activité autour d’Augusta Fripes. Peux-tu nous dire ce qu’est Augusta Fripes ? Augusta Fripes c’est le surnom, celui que j’utilise pour Instagram. Le nom complet c’est « Augusta, fripes mixtes et conceptuelles ». Si je reviens un peu en arrière et si j’explique en commençant par « conceptuelle », c’est juste venu d’un encart publié dans un magazine en 2018 Augusta n’existait pas encore mais j’avais déjà les pieds dans la fripe, et il était question de la friperie la plus conceptuelle de Rennes. J’ai gardé ça. Et ensuite il y a « mixte » qui me paraît un mot essentiel dans ce que j’ai envie de faire avec Augusta. Quand on parle des vêtements on trouve souvent la mention « unisexe ». Je trouve ça débile. « Unisexe » cela n’a pas de sens pour moi. « Mixte » cela englobe ça mais j’ai envie qu’il y ait une grande diversité parmi les gens qui viennent voir ce qu’Augusta propose. Grande diversité dans les revenus, dans l’origine sociale ou ethnique, et puis surtout tous les âges et toutes expressions de genre. Je sais bien que je ne vais pas atteindre tout le monde. Je vois bien qu’il y a un certain type de client et cliente, mais j’essaye d’ouvrir à une diversité assez large. Ensuite il y a « fripe ». C’est un vieux mot. Aujourd’hui j’ai l’impression qu’on l’utilise pour dire des choses de seconde main pas chères. J’ai l’impression pourtant que « fripe » cela pourrait vouloir dire beaucoup de choses. C’est un mot qui voulait dire chiffon, qui veut dire froisser. Il y a aussi fripon, qui est un voleur. On peut trouver des petits bouts de la fripe un peu partout, et ce truc de chiffon je l’aime vraiment bien parce qu’on peut partir d’un truc vraiment moche et en faire quelque chose de très beau et qui acquiert une valeur. Je pense que la fripe peut être belle, et pas juste un truc pour ne pas dépenser d’argent. Et puis Augusta, c’était ma grande tante, la demi-sœur de ma grand-mère, qui avait un accessoire de mode exceptionnel, la petite capuche en plastique pour se protéger de la pluie. J’ai choisi son nom fin 2020, en novembre, pour parler d’Augusta. Voilà, ça c’est l’explication de mon nom.
Tu disais que tu avais déjà un pied dans la fripe avant Augusta. Peux-tu nous dire ce qui t’a conduit à cet intérêt pour la fripe ? J’ai commencé cette activité parce que mes parents sont brocanteurs tous les deux, et depuis mon enfance j’ai vu comment on travaillait dans ce domaine. Ado, quand j’ai voulu gagner un peu d’argent, j’ai commencé à travailler avec eux et à m’occuper surtout de la partie vêtement. Sans m’en rendre compte, je suis devenue professionnelle de ce domaine sans l’avoir étudié, par une sorte d’apprentissage continu.
Tu as suggéré qu’à partir d’un chiffon très banal on peut obtenir quelque chose de très beau. Il y a donc une part de ton travail qui relève de la transformation, de la création de ces vêtements ? Pour moi, oui, c’est hyper important, c’est une grande partie de ce que je fais. Ce n’est pas le cas de tout type de friperie. Pour décrire la manière dont je travaille, ça commence souvent avec mes parents lorsqu’ils vident une maison. Cela peut être une succession, un départ à la retraite. Je m’occupe alors des vêtements. Mais il y a aussi des gens qui me contactent, via Google par exemple, qui m’appellent « voilà j’ai telle chose à vendre, est-ce que cela vous intéresse ? ». Je vais chez les gens, je regarde ce qu’il y a, j’estime et je propose un prix, et ensuite j’ai du stock. Parfois quand il faut vider toute une maison, il faut aussi vider tous les chiffons, tous les vieux trucs au fond du placard. Ça peut être des collants troués, mais ça peut-être aussi un très beau pull en laine d’agneau complètement mité. Et ce que j’ai commencé à travailler depuis deux ans environ, c’est de réparer les choses, depuis un point ou normalement ce vêtement devrait être destiné à la poubelle. Mais la fripe m’a donné un tel dégoût de la quantité de fringues qui a été produite et qui est encore produite que je ne me vois pas jeter des choses qui sont de bonne qualité.
Dans transformation on pouvait entendre reconfiguration ou transfiguration. Mais tu parles là plutôt de récupérer, rénover, sauver ? C’est pas vraiment récupérer, c’est plus que ça. Sauver n’est peut-être pas le mot, mais transfigurer oui, parce que cela n’aurait pas de sens juste pour rénover. Parfois je passe 50 heures sur un pull et ce serait invendable comme vêtement. Il perd son statut de vêtement en essayant de le regagner. C’est comme si je mettais du plâtre sur un mur où il n’y a que des trous. Le vêtement qui a été mité ou sali, on lui rajoute des couches et des couches d’histoires et de temps. C’est ce temps qui fait la nouvelle valeur du vêtement. À porter c’est un truc incroyable. Cela pose des questions sociales : qui de nos jours porte des vêtements abîmés, puisque l’on a accès tout le temps à des vêtements propres et neufs, et qui « font bien ». Si j’y ai passé 50 heures, est-ce que cela peut s’acheter ?
La nouvelle valeur que tu évoques est-elle viable ? Arrives-tu à vendre ce vêtement au coût du travail que tu as investi ? Pas du tout pour l’instant. Ça c’est plutôt le travail d’Héloïse. Le travail d’Augusta c’est de faire attention qu’il y ait toujours des choses qui n’ont pas besoin de temps pour équilibrer ça. Chaque fois c’est une affaire de balance. Parfois j’ai beaucoup de chance et je trouve des choses incroyables pour vraiment pas cher, et c’est ça qui fait que je peux passer 50 heures sur un pull qui moi me semblera très beau.
Est-ce que ton activité est liée à ce qu’on pourrait appeler la culture beaux-arts. C’est- à-dire une attention particulière portée à la manière de s’habiller, mais sans budget, comme on l’observe chez les étudiants en art. Et quelle est la part chez les gens qui achètent tes vêtements d’un refus de la logique de consommation et d’un souci écologique ? Parfois j’ai l’impression que l’aspect écologique est un peu hypocrite. Les gens qui le mettent en avant peuvent être des professionnels de la fripe qui font appel à des grossistes. Ou alors des particuliers qui achètent beaucoup et qui se dédouanent parce que c’est de seconde main. Donc je ne m’attarde pas trop sur la notion d’écologie, mais pour ma propre consommation je n’achète plus de vêtements neufs, ça s’est fait comme ça de toute façon, et puis je n’en ai plus envie. Parmi mes clientes et mes clients il y a plein de gens qui étudient l’art ou assimilé, mais il ne recherchent pas forcément des pièces d’exception, ou historiques, plutôt des choses pas très chères qu’il peuvent transformer. Parfois ils achètent un truc qui leur fait trop envie, mais c’est justement ce truc d’envie et de curiosité qui dernièrement m’a fait réfléchir sur Augusta : que doit-elle faire, à qui doit-elle s’adresser ? J’ai l’impression que je vais tendre à renoncer à travailler pour mes pairs, c’est à dire que je vais renoncer à trouver des choses pas chères, marrantes. Je vais plutôt choisir des choses très belles, qui me plaisent vraiment, qui ont des choses à raconter, sur l’histoire de la mode, sur l’histoire du textile, et avoir quelques petits trucs en plus, en fonction de là où je vais vendre. Il y a des types d’événements que je fais où je sais qu’il y aura des gens qui cherchent des petits machins pour rigoler. Ça ne me déplait pas, j’ai juste besoin de curiosité et de beaucoup d’attention pour que tout le travail que je déploie ne soit pas ignoré en allant vers le petit prix.
On pense souvent l’art dans son rapport à un public, le commerce dans un rapport aux clients et les services dans le rapport aux usagers. Comment décrirais-tu ta relation aux gens qui fréquentent Augusta Fripes ? J’aimerais faire de mes clients mon public. J’aime bien avoir un lieu où je peux accueillir des gens avec qui échanger. Là je suis en vacances parce que l’atelier où je travaillais à changé de propriétaire. Je voulais en faire un endroit presque théâtral, avec des choses sur tous les murs, un endroit qui raconte plein d’histoires, avec de multiples couches de narration, du sol au plafond. Quand on entre, on se demande ce qui se passe. Je ne fais pas ça pour que les gens achètent. Je ne cherche pas à ce que les gens achètent systématiquement pour beaucoup d’argent. Je veux vraiment qu’on se pose des questions. En fait les personnes dont j’attends la curiosité ne sont pas seulement les personnes qui vont me faire vivre. Les personnes qui me font vivre ne sont pas mes pairs. C’est souvent des femmes de 45 ans, d’une classe bourgeoise, qui n’hésitent pas à acheter quelque chose qui leur plaît. Et l’endroit que je propose leur plait aussi. Augusta, elle est liée à moi. Là où je suis il y a mes vêtements et leurs étiquettes avec des photos anciennes. Ça c’est Augusta, et Augusta se déplace, elle est dans plusieurs lieux. Le Comptoir du Chineur c’est depuis 2007 la brocante de ma mère. Il y a quatre ans j’ai commencé à mettre des vêtements dans sa boutique sous le nom d’Augusta. Augusta est hébergée par le Comptoir du Chineur. Ce n’est pas un endroit qui m’appartient. Je travaille avec ma mère, mais c’est sa boutique avant tout. C’est ouvert le mercredi, le vendredi et le samedi après-midi. L’autre lieu, qui s’appelait l’Arrière-Boutique, était plutôt caché, au fond d’une cour. C’était en fait l’atelier d’Héloïse mécéné par Augusta. Augusta payait le loyer mais il y avait surtout mon travail d’artiste fripière. C’était ouvert seulement le mardi, mais j’entrouvrais souvent la porte pour les rares passants de la rue Descartes. Il y aussi des endroits que j’investis ponctuellement, avec notamment le collectif dont je fais partie, qui s’appelle « les Surannées ». On est cinq friperies et une brocanteuse et on fait des événements à Rennes, qui durent de un à trois jours. On est en train d’imaginer un marché de la fripe pour Rennes, sur le modèle des marchés à la brocante, qui serait mensuel. Et il y a des événements que je fais toute seule, parfois sur la côte, surtout l’été. Des déballages qui existent depuis longtemps, où il faut jouer des coudes pour trouver une place. Pour faire un pont entre fripe et art, on avait organisé un petit défilé, c’était à Saint Lunaire, où il y a beaucoup de touristes en août. Et ça c’est à ciel ouvert, c’est dans un champ. Voilà les endroits où je vends. Je vends très peu sur internet, cela ne m’intéresse pas du tout parce que je n’arrive pas à y créer un endroit et un espace de discussion.
Tu parles d’Augusta et d’Héloïse. Il y a une sorte de dédoublement. Considères-tu qu’Augusta Fripes te permet de financer ton activité artistique, ou peut-on dire qu’Augusta Fripes est ton activité artistique ? J’aime vraiment beaucoup avoir une double vie, et utiliser parfois Augusta comme pseudonyme. Je peux me présenter aussi bien comme artiste, comme fripière, ou comme artiste-fripière. C’est assez poreux. Augusta permet à Héloïse des revenus, Augusta permet à Héloïse des ressources de matériaux gratuits. Parfois Héloïse amène à Augusta ses idées de scénographies et d’objets, et c’est ce qui fait la différence avec beaucoup d’autres friperies rennaises.
Est-ce que les personnes qui achètent perçoivent et sont intéressées par cette double lecture de ton activité ? Oui, beaucoup de gens me posent des questions. C’est quoi ça, c’est quoi ça, les trucs qui apparaissent comme ça, qui sont inhabituels. D’autres personnes ne posent pas de questions mais voient et apprécient. Très peu de personnes ignorent la dimension artistique. En fait, peu de personnes viennent juste pour acheter. Mais tout le monde ne connait pas mon parcours et mes autres activités. Parmi mes clients, beaucoup apprennent après que je m’appelle Héloïse, que je ne suis pas Augusta. **Il y a donc bien dédoublement, mais pas séparation. Il n’y a pas de coupure entre ce qui serait une activité alimentaire d’un côté et ce qui serait une activité artistique d’un autre côté. Il y a plutôt superposition de ces deux niveaux dans une même activité ? Oui, vraiment. Certes mes revenus viennent d’Augusta donc cela pourrait être considéré comme un job alimentaire. Mais vu le compromis de temps fait pour Augusta il fallait que ça me plaise beaucoup de toute façon. C’est un compromis de temps pour m’assurer une stabilité.
Pas de coupure, mais une différence de degré dans la production d’Augusta Fripes. Des vêtements plus ou moins investis par le travail artistique, et des vêtements plus ou moins pertinents comme simplement de la fripe ? Exactement.
Quand tu mets en scène dans l’atelier, caché, ou quand tu crées une scénographie sur un marché, il y a aussi une double lecture. C’est à la fois une mise en valeur des produits que tu as à vendre, et en même temps cela vaut pour soi-même comme un événement ou une installation. Sur les marchés c’est beaucoup plus compliqué parce que cela prend du temps. C’est plus des indices. Par exemple, toutes les étiquettes des vêtements c’est des petites photos anciennes, la plupart des années 50, ou entre les années 30 et 70. Et ça, ça interpelle toutes les personnes, vraiment. Très très peu de gens ne m’ont pas dit « mais c’est quoi toutes ces photos » ? En fait c’est juste une histoire en plus. On repart avec un bout de famille qu’on ne connaît pas, et que plus personne ne connaît. Ça fait partie des indices de la mise en scène qui pourrait être, qui est déjà faite et que je n’ai pas besoin d’installer sur un événement ponctuel.
C’est une sorte de narration qui accompagne les vêtements. Et ces photos, tu les obtiens comment ? Sont-elles en rapport étroit avec chaque vêtement ou est-ce juste une connexion vague avec l’époque des vêtements ? Je trouve en général les photos aux mêmes endroits que les vêtements. Quand je suis dans une maison à vider je cherche et je trouve. Parfois quand c’est des personnes je leur demande. C’est aussi arrivé plus d’une fois qu’on m’en amène. « Ah, mon père n’avait plus de mains mais il adorait la photo, voilà tous ses tirages », ce genre de méthode. Souvent les photos sont plus anciennes que les vêtements, mais parfois j’ai réussi à trouver les vêtements en photo et c’est trop bien, j’adore ça.
En complément il y a un travail de photographie de tes vêtements qui accompagne leur présentation ? Oui, il y a beaucoup de production de photos et des vidéos, de plus en plus. J’utilise des personnes de mon entourage, des amis ou des clients et clientes parfois pour poser pour différentes choses. J’avais commencé avec ma sœur, ce qui était vraiment pratique. Je pouvais expérimenter plein de choses avec elle. Elle voulait bien m’accorder du temps et avait envie d’inventer des histoires. J’avais envie de faire des mini scénarios avec Augusta. Ça prend vraiment beaucoup de temps et je ne le fais pas à un rythme soutenu, mais je continue à le faire pour mettre en valeur. Tout évolue. Quand je regarde le contenu que je faisais avant et ce que je fais maintenant ce n’est pas tout à fait la même chose. Les pièces que je mets en avant sont différentes aussi. Je choisis des vêtements sur lesquels j’ai des choses à dire et je les met en scène comme des mini films clichés. Tout est assez cliché pour que ce soit assez percutant, mais à la fois on sent qu’il y a un basculement hors du cliché. Quel est le rôle de cette production d’images sur Instagram et l’intérêt que tu y trouves. Est-ce que cela joue dans l’activité commerciale d’Augusta fripes en produisant un effet de curiosité, une attention, ou est-ce plutôt un développement artistique et personnel autour d’Augusta fripes ? Ça ne génère pas autant d’attention que je voudrais. C’est une question de marketing. C’est une vitrine qui ne génère pas des ventes directement, mais si on regarde on comprend ce qu’on va trouver. C’est quotidien. Je mets des story pour rappeler les horaires, rappeler les adresses, parce tout va très vite et les personnes qui regardent oublient tout le temps. On est surchargés d’informations.
En cherchant Augusta Fripes sur Qwant on trouve un certain nombre de qualificatifs intéressants. On lit bien sûr « rétro » et « vintage », ça c’est clair. Puis on voit « singulier », « décalé », « conceptuel ». Est-ce que ce sont des termes que tu introduis en parlant avec les journalistes de la presse locale qui s’intéressent à Augusta Fripes, ou est-ce que ton activité est assez différente pour susciter ces qualificatifs ? Le premier article parlait des mini telenovelas que je fais. Cela permettait un lien très simple entre les scénarios d’une part et les vêtements d’autre part. J’avais bien aimé cet article. D’autres ont été faits plus rapidement, pour Ouest France, Rennes Infos Autrement, des choses brèves, qui ne m’ont pas beaucoup plu parce que c’était juste mettre en avant les petits prix et les belles fringues, ce qui n’est pas très intéressant. Mais il y en a eu un pour lequel j’ai répondu à des questions par écrit qui ont été ensuite remises en forme. Et là j’ai plein de choses à dire en expliquant comment on passe de la simple vente à une mise en scène un peu surprenante.
L’IA de Qwant emploie la formule « ambiance artistique » pour décrire Augusta Fripes. Qu’est-ce que ce serait selon toi une ambiance artistique ? Ambiance artistique, singulier, poétique, ce n’est pas des termes que moi j’utilise. C’est un peu trop évanescent. Ça sonne un peu creux. Conceptuel, c’est plutôt une blague. C’est pas mes propres termes.
L’expression est inattendue. Elle relève bien sûr du style journalistique, mais ne faut- il pas l’assumer ? Nous parlions toute à l’heure d’une affaire de degré plutôt que de statut clairement établi. « Ambiance artistique » cela renvoie à une appréciation vague plutôt qu’à un tout ou rien. Le flou de la notion à l’avantage d’éviter de se focaliser sur la question du statut. Oui on peut le dire comme ça, mais je ne pense pas qu’il ait été écrit comme ça. Je pense qu’il a été écrit de façon assez superficielle.
Peux-tu nous parler de l’économie de ton activité. Est-ce que tu arrives à en vivre correctement. Est-ce qu’il y a assez de place à Rennes pour cinq friperies ? Entretenez-vous des rapports de solidarité ou de concurrence ? J’arrive totalement à vivre de la friperie. C’est mon seul revenu et je vis confortablement. C’est un travail assez intense parce que cela doit-être continu pour que cela marche vraiment bien. Si je travaille un peu moins mes revenus chutent beaucoup, si je travaille un peu plus mes revenus augmentent un peu. Il faut trouver une continuité. C’est fatiguant mais justement, toujours travailler en collectif cela m’aide beaucoup. Et dans le collectif des Surrannées c’est l’inverse de la concurrence. Il y a bien plus que cinq friperies à Rennes. Il y a des magasins un peu plus importants qui travaillent avec des grossistes, d’autres qui travaillent avec des créateurs, des petits créateurs de vêtements, de bijoux ou d’accessoires. Je n’ai pas compté. Peut-être qu’il y a une vingtaine de magasins et une vingtaine d’itinérants qui ne font que des déballages. Comme il y en a tellement j’ai l’impression que les gens sont submergés par l’offre, et les gens qui n’en vivent pas forcément me font défaut, parce qu’ils proposent quelque chose que moi j’ai en mieux et du coup ce que j’ai peut être effacé parce qu’ils ont réussi à prendre telle ou telle personne. Je pense que je fais un travail de qualité et ce n’est pas le cas de tout le monde. À la fin du Covid il y eu un moment une facilité pour se faire de l’argent en ligne avec la fripe, mais cela commence à baisser et je vois plusieurs personnes arrêter, donc j’imagine que dans deux ans je pourrais travailler un peu moins tout en gagnant mieux.
Dans le collectif Les Surranées, vous êtes-vous reparties des créneaux commerciaux ou cela se fait naturellement ? Comme on n’est pas les mêmes personnes on aime différentes choses et on n’a pas les mêmes choses à proposer. Parfois cela se recoupe, mais pas souvent. Il y a deux personnes avec qui je m’entends mieux, en tous cas dans notre sélection de vêtements et avec elles on a ouvert un endroit jusqu’en juin, et c’est vraiment très haut de gamme ce que l’on propose. Avec le collectif l’offre est large. Il y a des vêtements parfois plus récents, plus streetwear ou sportwear, il y a plus de brocante. On ne se marche pas sur les pieds. C’est une façon de travailler ensemble, de se rendre service. Par exemple pendant ces trois semaines où je suis absente elles travaillent pour moi.
Pourquoi refuser de vendre en ligne ? Je n’aime pas ça. Cela prend beaucoup de temps et si je dois passer du temps sur quelque chose je préfère que ce soit quelque chose que j’aime vraiment.
Est-ce que les conversations qui s’engagent avec tes visiteurs se prolongent d’une visite à l’autre. Est-ce qu’il y a une régularité chez les gens qui fréquentent Augusta Fripes ? Oui, il y a des personnes qui reviennent régulièrement, qui connaissent ce que je fais et comment je pense. Augusta me permet de rencontrer des gens qui ne sont pas dans le milieu dans lequel j’ai fait mes études, et d’avoir d’autres points de vue sur la façon dont je peux travailler, qui ne sont pas forcément directement liés à une pratique artistique mais qui se rejoignent au fur et à mesure. Il y a plusieurs personnes qui m’approchent ou que moi j’approche professionnellement et avec qui je peux développer ensuite de nouvelles idées.
Entretien en visioconférence sur JITSI, entre Shanghai et Bangkok, le 25 janvier 2025.
Il y a quelques mois, un livre a paru : Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle (L’Echappée, Paris, 2024, avant-propos de Mikaël Faujour ; traduit de l’espagnol par Mikaël Faujour et Pierre Madelin. Ce livre est issu d’une parution mexicaine de 2020, dirigée par Pierre Gaussens et Gaya Makaran, qui comprenait douze contributions et une introduction générale, mais sa traduction française n’a conservé que cette dernière et quatre articles de l’ensemble – écartant notamment une contribution de Philippe Corcuff sur la situation française à travers une analyse du Parti des Indigènes de la République. À ces textes de la parution mexicaine a été ajouté un article issu d’un autre ouvrage collectif, argentin cette fois, publié en 2021.
Sans rentrer dans le fond des critiques, qu’on laissera aux spécialistes, cette querelle paraît symptomatique du poids de ces questions dans les études académiques et intellectuelles, ainsi que sur les scènes politiques. La polarisation des critiques adressées aux études décoloniales autour des pensées de Mignolo, Grosfoguel, Quijano et Dussel, montre aussi une difficulté à saisir la pluralité des textes qui se revendiquent des pensées décoloniales – comment critiquer avec justesse un mouvement aussi profus ?
Dans ce contexte polémique, un livre est paru qui aborde les questions d’une manière toute autre, et qui s’appuie sur d’autres références. Jean-Christophe Goddard a publié Ce sont d’autres gens. Contre-anthropologies décoloniales du monde blanc (Wildproject, 2024), qui est un ouvrage passionnant. Lectures d’Aimé Césaire, de Sony Labou Tansi, de Viveiros de Castro, d’Eboussi Boulaga, Robert Jaulin, qui font apparaître les blancs comme les autres gens. Évocations proprement contre-anthropologiques de situations concrètement décoloniales, comme cette danse De Gaulle au Gabon [https://25images.msh-lse.fr/gabon/video/danse-de-gaulle-a-ndjole/]. Traversant les polémiques – qui importent bien sûr pour saisir ce qui se pense – il y a tous ces autres gens dont certains livres rendent sensibles les proximités jusqu’alors insoupçonnées
C’est dans les flammes qu’est enregistrée la dernière émission, présentée cette fois par les quatre cavaliers de l’Apocalypse, au son des trompettes et des duplex du Jugement dernier.
Peste : Alors, qu’est-ce qui a bien pu échouer à ce point, aujourd’hui où le monde brûle ? Une réponse, oui… Quelqu’un ?
Roubachof : Je peux essayer une réponse, quand bien même la fin du monde reste évidemment multi-factorielle. Bien malin qui saura ! Bien malin qui saura… Dans la mesure où nous allons tous mourir dans quelques minutes, je peux bien me tromper un peu et tenter une hypothèse : manque de courage, manque d’éthique des gouvernants qui refusent la responsabilité fondamentalement immorale du gouvernement. Chez les gouvernés, les mêmes manques : on veut tout voir, puis l’on se victimise d’avoir vu le pouvoir. À la fin, le refus de dire et le refus de voir produisent exactement cela, vous voyez… Comment disait-on ? La post-vérité, n’est-ce pas…
Famine : Pour ne pas se perdre en généralités quelques peu dépressives, ne pourrait-on pas reconnaître que des initiatives ont été prises ? Quels succès à vos yeux dans ces efforts parfois colossaux pour retenir l’Apocalypse actuelle ? Et au-delà, qu’aurait-il fallu pour qu’ils fonctionnent, ces efforts ?
Dolorès Irubari : qu’on envoie tout l’or du monde à Moscou !
Marie Curie : prenez l’exemple des Frigz. C’était une idée intéressante de concentrer la production mondiale d’énergie sur des oasis de réfrigération où pourrait survivre les fameux « un milliard » évoqués par le plan Bezos de 2026. Un milliard d’êtres humains continuant d’exploiter la planète, de façon durable, mais en continuité avec le mode de vie capitaliste de l’anthropocène, avec un support anarchique en-dehors des aires de protection.
Camillo Golgi : Le seul problème de cette hypothèse était le refus de comprendre le fonctionnement du cerveau humain. Le fameux chapelet de smart cities autosuffisantes et connectées constellant la planète ne pouvait fonctionner qu’avec des êtres humains capables d’émotions et d’intellections constamment exceptionnelles. L’Apocalypse est due à cette surestimation des capacités cérébrales des masses. Le plan Bezos montre d’abord cela.
Carl-Philip-Emmanuel Bach : Toutes ces initiatives étaient tout de même un peu… Un peu… Ahurissantes, non ? La plus sincère, selon moi, était celle que soutenait Monsanto avec le gouvernement indien, de créer génétiquement une forêt résiliente et auto-suffisante, où les arbres devenaient également des moyens d’archiver les productions terrestres. Vous avez déjà entendu un manguier jouer du Leonard Cohen ? Who by fire? C’était ça, l’avenir qui a raté…
Mort : Mais au-delà des exemples précis que vous venez de citer – on pourrait en citer d’autres, innombrables – ne s’agit-il pas aujourd’hui, pour accepter la fin des temps, de figurer l’infigurable ? De dire : c’est le capitalisme, et l’impossibilité des sociétés humaines à s’en émanciper, qui a détruit la planète ?
Jane Goodall : Je pense qu’il existera des poules capables de supporter le monde brûlé que nous avons créé, et d’y inventer quelque chose de sublime.
Charles Pasqua : « La démocratie s’arrête où commence la raison d’État ».
Vénus de Milo : Je ne suis pas sûr qu’il existe ou ai jamais existé ces choses, comme la société, l’émancipation. Il faudrait tout reprendre, mais nous n’en avons pas le temps, nous allons bientôt tous disparaître.
Guerre : Il y a une solution qui m’a toujours paru frappée au coin du bon sens et que personne n’a vraiment osé formuler, au moment même où l’ensemble du monde était détruit : pourquoi ne pas tuer ? En menaçant physiquement les responsables du désastre, peut-être…
Jdanov, Kissinger, Philippe de Commynes, Jafar et beaucoup d’autres (ensemble, l’interrompant) : paroles de fou ! Paroles d’enfant !
Malcolm X : c’est toujours la question, non ? The Ballot or the bullet?
Liliʻuokalani : ce n’est plus la question, puisque c’est fini. Il n’est plus temps de se battre, il fallait y penser avant. Il ne nous reste bientôt plus que les étoiles pour nous rêver ailleurs, le monde n’est plus bon pour rêver.
Peste (souriant, face caméra) : Mais l’heure tourne, et sur ces bonnes paroles, nous allons devoir interrompre nos programmes pour vivre, avec vous, au son de la dernière trompette, le duplex ultime, en direct de l’incendie de toute chose.
Une musique retentit. Une voix séraphique chante sur ces paroles un air somme toute joyeux : « sous l’incendie, au bord de la plage, la tête dans le congélo… » Si tout explose, on ne pourra jamais le savoir.
illustration : Albrecht Dürer Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (détail), 1498.
Cinquante articles sur TINA online. Merci pour vos connexions, vos lectures.
# Dans un biotope culturel saturé de signes la revue TINA ajuste ses lunettes. Pas évident. # Dans un environnement artistique survalorisant les idées simples voire creuses TINA bifurque. C’est mieux. # Dans un espace culturel marchand sur-diffusant les produits les plus vendables TINA sue à grosses gouttes. Pas toujours facile de ne pas se faire avoir. # Dans un espace culturel aux égo-surdimensionnés et aux attitudes sous-dimensionnées TINA déchiffre. C’est chronophage mais instructif. # Dans un milieu artistique néo-libéralisé dopé à la puissance du marketing TINA tente d’avaler le moins de fake-art possible. Toujours délicat # Dans certains territoires artistiques, subventionnés ou non, la carte de la visibilité n’est plus forcément jouée, TINA ré-ajuste ses lunettes. Bifurquer. # Dans les confirmations du XXIe siècle la réussite commerciale classifie l’intelligence artistique et sa popularité, TINA ne confirme pas. Pas vous ? # La revue TINA tente une expérience politique, artistique, bricologique, évolutive, libre. Rien n’est figé, tout peut changer, de l’équipe aux formes, du travail de fond aux urgences du monde, d’un.e expert.e qui formule quelque chose d’intelligent et d’utile au voisin.e inconnu.e qui vient d’agir ou d’esquisser une réparation du monde. C’est différent. C’est une expérience, un test pour d’autres modes d’implémentations de l’art, de la littérature, des idées et des imaginaires. #
PS : Dans un contexte de production de la revue TINA par les éditions JOU (qui en 7 ans n’ont jamais touché de subventions publiques) nous sollicitons les lecteurs de la revue TINA online pour nous aider à produire le numéro 1 de la revue papier (in)visibilité(s) : https://www.helloasso.com/associations/association-jou/collectes/la-revue-tina
Le supermarché, c’est un labyrinthe surmonté d’une ou plusieurs coupoles et fait de techno-images, qui vise à engloutir les con- sommateurs, à les consommer. Il a des portes largement ouvertes, afin de donner l’illusion de l’entrée libre, d’un espace public. Il se présente comme un « marché », une « place du marché », donc comme l’agora d’une polis. Mais ce n’est là qu’un appât. Une véritable place de marché est un espace politique, parce qu’elle permet l’échange des opinions et des choses, le dialogue. Le supermarché, lui, exclut le dialogue, ne serait-ce que parce qu’il est rempli de « bruits noirs et blancs », par une émission de couleurs et de sons. En ce sens, c’est un espace privé, un espace destiné aux individus (en grec : idiotes). Mais avant tout l’ouverture des portes est un appât, parce que l’entrée certes est libre, mais non la sortie. Pour s’échapper du labyrinthe il faut faire en sortant le sacrifice d’une rançon, et pour cela, faire la queue. Cette description mythologique du supermarché vise à démasquer ce qu’est en réalité cet espace, de tous le plus privé : une prison. Il ne sert pas à l’échange de biens et d’informations, mais oblige à consommer des informations et des biens particuliers : assurément super, mais pas marché.
Du point de vue fonctionnel, le cinéma est l’autre face du supermarché. Son entrée est un orifice étroit où l’on fait la queue avant de sacrifier son obole, condition requise pour participer aux mystères qui se déroulent à l’intérieur. Cet aspect initiatique de l’entrée du cinéma n’est pas nié mais au contraire souligné par les lumières qui scintillent au-dessus d’elle, comme une invitation. En revanche, le cinéma ouvre ses portes toutes grandes quand le programme est terminé, pour laisser s’écouler le flots des fidèles du culte dûment programmés. La queue à l’entrée du cinéma et à la sortie du supermarché, c’est un seul et même animal: une masse pétrie en un long ruban. Le prix de l’entrée au cinéma : le prix à la sortie du supermarché sont les deux faces d’une seule et même monnaie. Au cinéma, la masse est programmée pour se ruer vers le supermarché; le supermarché relâche la masse pour qu’elle aille se faire programmer au cinéma en vue de la prochaine visite au supermarché : tel est le métabolisme de la société de consommation. Ainsi tournent les ailes magiques, mythiques du ventilateur des techno-images au sein de la masse, pour la maintenir dans le mouvement du progrès.
Vilém Flusser
« Retour vers le futur » TINA vous propose de redécouvrir des textes /// 1979
C’est la chute finale, inscrivez-vous et tout de suite, la chute libre sera le genre humain.
C’est à la Villette, un espace divertissement. Cela coûte un peu cher, sur la vidéo ce n’est pas un client mais un démonstrateur, ça ameutes le chaland, cela donne envie. Oui la chute est le nouveau genre humain, la chute est continue, agences de notation, endettement, croissance, stress géopolitique, sécurité, éco-anxiété, sondages, moral, ça chute à tout-va. Tout les avantages de la chute libre après un bobun ou un tacos et avant un bowling ou un mini-golf avec balle connectée. Cela ne désemplie pas. C’est à boom-boom Villette, les cris et les sourires XXL déchirent l’univers, rendent caduques tout projet situé en dehors du divertissement, le samedi après-midi chute en quelques heures qui paraissent des minutes, la carte bleue chauffe, les familles tiennent la corde, chuter mais pas trop non plus, des milliers et des milliers de personnes dans un brouhaha assourdissant cadencé par des boucles musicales de fin du monde.
Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley, collectif, Audimat éditions, 2024.
Aux migrations climatiques, bien davantage médiatisées lorsqu’il s’agit de Los Angeles, se sont récemment ajoutées les migrations numériques d’un réseau social à l’autre, en raison d’un possible bannissement ou du revirement politico-médiatique de leur dirigeant, peu avant ou suite aux résultats de l’élection américaine. Dans les fumées des mégafeux et les virages idéologiques douteux, et à l’époque de la multiplication des petites phrases (et petits gestes) commentés ad nauseam, difficile d’y voir clair.
Certaines lectures permettent cependant de dissiper un peu le brouillard. Le 8 juillet 2024, à la bien nommée Bibliothèque Publique d’Information (BPI), au Centre Pompidou, était organisée une rencontre à l’occasion de la parution, le 19 avril 2024, d’Au-delà de la l’idéologie de la Silicon Valley, nouvel opus de la jeune série Tèque, éditée par Loup Cellard et Guillaume Heuguet, qui proposent d’étudier l’entremêlement de nos vies et des technologies. Dans cette quatrième livraison, ils invitent à dépasser une certaine vision de l’idéologie californienne, fruit d’« un mélange unique de hippies, de hackers et d’étudiants libertaires qui se seraient convertis au capitalisme », avec une sélection de textes de Fred Turner, Charlie Tyson, Fabien Foureault, Ruha Benjamin, Orit Halpern, Robert Mitchell et Dave Karpf. L’idéal pastoral et communaliste est introduit par le poème All Watched Over by Machines of Loving Grace (« Tous surveillés par des machines d’amour et de grâce », 1967) de Richard Brautigan, qui rejoint « la promesse suivant laquelle l’informatique permettra dans une futur proche de créer une sociétés d’individus égaux et émancipés ». Si la critique de cette idéologie n’est, somme toute, pas si nouvelle (Adam Curtis la développait déjà, à sa manière, dans un documentaire éponyme, en 2011), le contexte a quant à lui bien évidemment changé en une dizaine d’années.
Face à une audience particulièrement attentive, l’un des intervenants de la rencontre introduisit la séance en indiquant qu’aujourd’hui, la capacité à effectivement « changer le monde » ne revenait plus tant aux hommes et femmes politiques, mais à aux patrons des géants de la tech. L’intervenant dirigeait alors plus particulièrement l’attention sur une figure évoquée dans Tèque 4, Peter Thiel, mégadonateur des campagnes de Donald et mentor de l’actuel vice-président des États-Unis – et notamment à sa société d’extraction de données et de surveillance Palantir -, pour réfléchir à l’influence de ces acteurs sur la société. Elon venait alors tout juste d’opérer son virage médiatique et financier vers Donald, Mark n’avait pas encore renoué avec ses penchants d’étudiants à Harvard (Jeff va-t-il prochainement nous annoncer consommer de la créatine ?). Si la plupart découvre avec effarement ces revirements récents des représentants du technoféodalisme contemporain, le « philosophe-roi de la Silicon Valley » Peter Thiel semble quant à lui se distinguer par sa constance idéologique, voire apparaître comme la matrice à partir de laquelle mieux comprendre les orientations de certains.
Le deuxième texte de la revue Tèque 4, qui lui entièrement consacré, est ainsi la traduction, en français, d’un article de Charlie Tyson, « The Talented Mr. Thiel. Inside the mind of Silicon Valley’s », publié dans The Baffler, le 20 septembre 2021, texte qui est lui-même un compte rendu de la biographie de Thiel par Max Chafkin, The Contrarian : Peter Thiel and Silicon Valley’s Pursuit of Power. Dans cet article, Tyson présente succinctement le parcours de Peter, fils d’immigré allemand qui fera par la suite fortune dans la tech avec la création de Paypal, et en investissant dans les Facebook, Airbnb, LinkedIn, OpenAI, etc. Mais il s’agit surtout d’un « homme qui, contrairement à nombre de ses pairs fortunés, est intensément idéologique et terriblement abstrait » et, « contrairement à la plupart des personnes ayant des convictions philosophiques, il a de l’argent et le pouvoir nécessaire pour concrétiser ses engagements idéologiques ». L’influence qu’il exerce sur une nouvelle génération d’entrepreneurs de la Silicon Valley comme sur la vie politique américaine n’est plus à démontrer. Mais quelle est donc cette philosophie “appliquée”, susceptible de tous nous concerner ?
À la place des platitudes apaisantes sur la façon dont la technologie pouvait développer le potentiel humain, il introduisit une nouvelle éthique de gouvernance, plus machiavélique, pour les technocapitalistes de la Silicon Valley. Selon Thiel, les entreprises doivent rechercher le pouvoir de monopole par tous les moyens nécessaires, et le développement technologique doit être poursuivi, quel qu’en soit le coût humain. (p. 58)
Car si sa contribution la plus connue est Zero to One (2014) « qui déplore la stagnation technologique et conseille aux entreprises d’échapper à la concurrence et de se constituer en monopole » (p. 60), c’est sur un essai bien moins connu, intitulé « The Straussian Moment», que s’attarde le journaliste. En voici la présentation par Tyson, dans la conclusion de son article, p. 60-62 :
“The Straussian Moment”, un essai que peu de gens ont lu, est plus révélateur des tendances intellectuelles de Thiel. Il est issu d’une conférence de six jours sur René Girard qui s’est tenue à Stanford en juillet 2004, financée par Thiel. L’essai affirme que le 11 septembre prouve que la philosophie politique du libéralisme des Lumières est caduque : les êtres humains sont beaucoup plus violents et dangereux que Locke et d’autres n’osaient le croire. S’inspirant de penseurs anti-modernes et antilibéraux tels que Girard, Carl Schmitt, Leo Strauss et Nietzsche, l’essai rejette la démocratie et les Lumières et médite sur l’apocalypse. Thiel rejette le contrat social selon les principes girardiens en le qualifiant de « mensonge fondamental des Lumières ». Venant d’un théoricien littéraire acariâtre, une telle remarque pourrait sembler simplement provocatrice. Lorsqu’elle est prononcée par un milliardaire qui travaille activement à la déstabilisation de la société, elle prend une tournure plus sinistre.
Le sens de la vie exprimé ici est pessimiste et anti-égalitaire. Thiel estime que l’ère moderne est toujours sur le point de basculer dans un torrent de violence. Un tel effondrement social généralisé viendrait prouver que les idées sur les conventions sociales et le potentiel de bonté de l’humanité ne sont que des fictions depuis le début. Ailleurs, Thiel a déploré le “demos inconséquent” qui préfère la social-démocratie au capitalisme débridé, et a suggéré de fuir complètement la politique, que ce soit dans le cyberespace, l’espace extra-atmosphérique ou la mer. Pour Thiel, l’humanité est une foule violente et trop facilement manipulable.
Les prises de position sur l’apocalypse sont devenues à la mode, aussi bien à droite qu’à gauche. Compte tenu de l’escalade des urgences climatiques, des pandémies et des disparités brutales dans l’espérance de vie, ces sentiments d’apocalypse et de résignation sont compréhensibles, même s’ils ne sont pas particulièrement utiles. Mais l’apocalyptisme de droite de Thiel est particulièrement pernicieux. En rejetant le contrat social, il s’exonère, lui comme ses collègues oligarques, d’obligations envers les autres. En cas d’urgence, c’est chacun pour soi. Pourtant, les richissimes magnats de la technologie qui construisent des bunkers et (dans le cas de Thiel) des maisons de secours en Nouvelle-Zélande sont parmi les mêmes personnes qui sont responsables, dans une mesure non négligeable, de l’affaiblissement de la stabilité sociale par leur manière de répandre la propagande, d’attiser la haine politique et de se soustraire à l’impôt. […]
Contre le rejet par Thiel du contrat social – qui permet aux riches et aux puissants de détruire la société, puis de la quitter en laissant le reste d’entre nous en payer le coût – nous pourrions proposer des fonds de solidarité et envisager le principe d’égalité dans la survie. Thiel s’intéresse à la vérité — qui consiste, pour lui, en des visions ésotériques et dérangeantes d’une humanité primitive baignant dans le sang — mais il ne s’intéresse pas à la justice.
Chafkin a dressé un portrait richement détaillé d’un sujet fuyant. Les tractations en coulisses et les manœuvres politiques de Thiel y sont clarifiées et documentées. Mais l’homme lui-même reste un mystère. « Ne soyez pas fidèles à vous-mêmes », a déclaré Thiel aux lauréats du Hamilton College lors d’un discours de remise des diplômes en mai 2016. Il nous offre le spectacle d’un esprit brillant logé dans une personnalité difforme, un homme qui a transformé sa philosophie de salon en une vision imposée au monde. Nous n’en avons pas vraiment conscience, mais nous vivons dans le monde de Peter Thiel. Il nous faudra mieux que la philosophie pour en sortir.
Vaste programme…
PS 1 : Lire également cet autre texte, assez complémentaire, de Tèque 4, “L’apocalypse remplace l’utopie” de Dave Karpf (p. 131-147) pour une vision qui s’exonère de ses responsabilités présentes : en vérité, un article portant moins sur l’apocalypse que sur la philosophie “longtermisme” et sur le projet d’“horloge du millénaire” qui lui est associé, dont la construction est soutenue financièrement par Jeff).
Ah ces gens dits de gauche qui ne veulent pas lâcher FB et Insta « parce que la com c’est trop important, déjà que je rame », qui prennent des über « parce que c’est bien pratique », surveillent les bons plans Transavia pour un week-end de décompression au soleil « parce que ça va me faire du bien de prendre un peu de recul sur une plage », louent un petit airbnb trop mignon dans une capitale européenne « pour trouver l’inspiration », qui souscrivent à un abonnement Starlink dans leur résidence secondaire « parce que sinon je rame pour aller sur FB et Insta c’est trop important la com, déjà que je rame », qui continuent d’utiliser les services google « parce que c’est gratuit et pratique », d’acheter les produits d’Amazon « parce que y’a tout et tout de suite », on ne parlera pas des comptes titres « parce qu’il faut bien que je m’occupe de ma retraite et puis ça rapporte pas mal », des produits luxe « parce que je le vaux bien », de l’amour du cash « parce que les charges sociales ça plombe mon chiffre d’affaires à un point tu n’imagines même pas », de se faire livrer un p’tit über eats « parce que le temps de gagné est dingo », de se faire livrer tout en fait « parce que là l’économie de temps est une révolution dans mon quotidien», de balayer son doigt sur un smartphone jusqu’à plus soif « parce que sinon tu comprends déjà que je rame au niveau com alors si en plus je ne suis au courant de rien », d’exhiber sa montre connectée « parce que tu as tout au poignet je gagne un temps fou », de prendre une carte Membership Pinault Collection ou un pass coupe file FLV « parce que l’accès à la culture c’est important », etc, etc, etc, … Bref c’est pas gagné 2027, 2032.
besoin de repères et d’attitudes besoin de simplicité et de décroissance besoin de liberté et d’imaginaires besoin d’un programme politique de rupture bien plus ambitieux
alors sans attendre je marche sans gps et je salue les corneilles à mon passage toujours je ne re-contacte pas celles et ceux qui rament je les retarderais désynchronisés nous sommes
de ma petite vue je compte aujourd’hui cent-huit camionnettes dix-huit scooters de livraison de gains de temps de coups de rames en moins galère galère