Auteur/autrice : eric arlix
#104/ ESAD Valenciennes dernier jour
Fermeture définitive de l’École supérieure d’art et de design de Valenciennes en juin 2025.
En juin 2025, après plus de 240 ans d’existence, l’École supérieure d’art et de design de Valenciennes fermera définitivement ses portes suite au retrait de ses membres fondateurs – la Mairie de Valenciennes, la Communauté d’agglomération Valenciennes-Métropole et le ministère de la Culture. Les étudiant·es désireux·ses de poursuivre leur cursus sont contraints de trouver d’autres écoles, les équipes pédagogique, administrative et technique de subir la perte de leur emploi. Bientôt, le bâtiment de l’établissement sera récupéré par Communauté d’Agglomération. Le sort de l’ésad Valenciennes est le triste reflet de la situation critique à laquelle font face les écoles d’art et de design publiques territoriales en France qui, sans soutien d’ampleur de la part de l’État, sont menacées de disparition.
Pour acter sa fermeture tout en refusant de s’éclipser dans le silence, l’ésad Valenciennes organise au mois de juin 2025 une veillée radiophonique lors de la Nuit Blanche à Paris (demain le 7 juin), une exposition de ses ancien·nes étudiant·es (du 12 au 27 juin) et une Journée portes fermées à l’école (27 juin). Venez nombreux·ses et profitez-en pour découvrir un territoire riche culturellement : le FRAC Grand Large et le Laac de Dunkerque, la Piscine et la Condition publique de Roubaix, le Palais des Beaux-Arts de Lille, la villa Cavrois à Croix, le Louvre-Lens, Louvre-Lens vallée, le Quadrilatère à Beauvais…
Pour celles et ceux qui ne pourraient pas se déplacer, nous avons mis en place un répondeur pour nous laisser un message, un coup de gueule, un témoignage de soutien, un poème : appelez-nous au 07 56 09 34 57.
#103/ Tout autour de Vermeer (3), par Christine Lapostolle
Les traces d’un voyage effectué il y a des années pour voir toutes les peintures de Vermeer se révèlent au contact d’une situation, d’une parole, d’une sensation. Il en découle parfois de courts textes dont certains paraîtront ici.
Dix ans après. Au moins dix ans après. Dans un bar à vin de notre village, un endroit recherché qui à l’époque ou j’ai fait le voyage Vermeer était un bistrot auquel on aurait décerné le prix du décor le plus moche de la région.Tout a changé. Dix ans après, douze ans. Le village, grâce à ses nouveaux habitants, s’est transformé en une petite cité prisée pour son attrait culturel.
Tu me demandes pourquoi mon premier texte porte sur La jeune femme assoupie. Je ne sais pas. C’est le hasard. C’est le premier qui m’a semblé présentable quand je suis retournée dans les notes que j’avais prises pour ce livre sur Vermeer que je ne ferai pas. J’ai des centaines de petites histoires. Il s’agissait d’écrire chaque fois qu’une pensée, une image d’un tableau de Vermeer me passait par la tête, que quelque chose dans la vie quotidienne me faisait penser à Vermeer. Comme ce moment présent où nous sommes en train d’évoquer le voyage que j’avais fait un été pour voir tous les tableaux de Vermeer en dégustant un vin dans des verres qui ressemblent à ceux de ses tableaux.
Vous êtes les seuls à savoir quelle nouvelle de Virginia Woolf a inspiré le texte que Tina a publié le dernier à propos de la Jeune femme assoupie. Un été nous avons tourné dans mon jardin un petit film qui essayait de mettre en scène cette nouvelle. C’était peu après le voyage Vermeer. L’été où nous avions décidé que nous tournions un film par jour. Nous nous faisions lire des textes. Nous prenions un moment pour en assimiler la teneur. Nous choisissions chacun un personnage. Nous allions solliciter des amis si le nombre de personnages le nécessitait, et on tournait le film dans la foulée avec une petite caméra DV. Nous nous demandons en silence ce que sont devenus ces petits films.
En juin vous allez faire un voyage aux Pays-Bas et vous séjournerez à Delft. Je décris ce qu’il reste de cette ville dans ma mémoire. Quelques traces d’un séjour pour écrire ce livre que je n’ai pas réussi à écrire. Un cinéma dont j’ai gardé longtemps le ticket d’entrée qui portait sur une face une reproduction miniature de la vue de Delft de Vermeer… Le marché aux fleurs. L’immense marché aux fleurs. La prétention de cette ville pleine de cafés agréables sur les places et le long des canaux à être restée comme elle était au XVIIème siècle. Intacte. Les maisons de maîtres dans leur décor d’époque où on découvre la faïence inspirée de la porcelaine chinoise que les marchands de la compagnie néerlandaise des Indes occidentales rapportaient de leurs voyages lointains avec toutes sortes de bien qui enrichissaient leur ville et leur pays. Les carreaux de faïence bleue ébréchés vendus dans les brocantes avec les mêmes motifs que ceux qu’on voit sur les carreaux des intérieurs peints par Vermeer. Le Vermeer Zentrum où vous pourrez photographier vos visages derrière une silhouette en carton reprenant celle de la Jeune fille à la perle.
Cette Jeune fille à la perle, que nul n’ignore aujourd’hui, produit phare de l’industrie culturelle, est sortie des limbes à la fin du XIXème siècle. On ne sait rien du tableau à l’époque où Vermeer l’a peint. On n’est même pas sûr de l’identifier parmi les peintures qui à sa mort lui étaient attribuées.
#96/ Tout autour de Vermeer (1)
#98/ Tout autour de Vermeer (2)
#102/ L’accumulateur de l’énergie de l’orgone
« Retour vers le futur » TINA vous propose de redécouvrir des textes /// 1951
Extrait du chapitre 9 du livre de Wilhelm Reich, L’accumulateur de l’énergie de l’orgone. Son usage scientifique et médical. Texte disponible dans son intégralité sur cette page >>>>
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L’énergie orgonale peut être obtenue comme l’eau ou l’air et est présente en quantité infinie. La seule chose dont il est besoin pour l’apporter au consommateur est un dispositif de capture ; c’est ce que, comme on l’a montré, fait l’accumulateur. Des dispositions, donc, doivent être prises pour que les gens les plus pauvres puissent profiter eux aussi de l’énergie orgonale concentrée.
Ainsi, il y a une responsabilité de la part des travailleurs orgonologistes de rendre accessible l’énergie orgonale au plus grand nombre de personnes. Mais il y a aussi une responsabilité de la part des bénéficiaires de l’énergie orgonale d’aider à sécuriser l’avenir des investigations relevant de l’énergie d’orgone. En particulier, il est nécessaire de prévenir l’imprudente exploitation de l’énergie orgonale aussi bien dans l’impitoyable recherche de profit qu’à travers l’indifférence de ces bénéficiaires concernant la recherche. En continuité avec cette disposition de base, il a été décidé en 1942 de permettre à des individus d’utiliser les accumulateurs d’énergie d’orgone à leur domicile contre une modique contribution mensuelle en faveur du Fond de Recherche sur l’Orgone. C’est jusqu’à présent les dispositions de discipline adoptées ; des contributions en échange de l’utilisation d’un accumulateur d’énergie orgonale sont, aujourd’hui, payées à la Fondation Wilhelm Reich, une institution publique sans profit. De cette façon, l’accumulateur d’orgone travaille pour la recherche sur l’énergie de l’orgone. Il n’est ni exploité par le distributeur, ni utilisé sans responsabilité de la part du consommateur, sans un regard sur la totalité de l’arrière-fond scientifique duquel émane cette production vitale. Les consommateurs reçoivent les bénéfices des nouveaux développements et nouvelles améliorations dans l’usage et la construction des accumulateurs d’énergie orgonale ; en retour, ils contribuent mensuellement à aider à subventionner les travaux de recherche fondamentale.
Il n’y a pas d’intention de créer un monopole dans la construction des accumulateurs d’énergie orgonale. Des usines peuvent prendre à leur charge la construction d’accumulateurs d’énergie orgonale à grande échelle en contrepartie de raisonnables royalties, et pour un raisonnable profit prélevé sur la vente de chaque accumulateur. Des plans sont aussi immédiatement disponibles pour apporter des informations à ceux qui ont l’intention de construire leur propre accumulateur. Mais, une fois encore, cela doit être réalisé de telle façon que le travail de recherche de base — qui croît rapidement et qui requiert de croissantes sommes d’argent pour support — soit financièrement assuré. Nous n’avons pas, à proprement parler, l’intention d’avoir une mainmise sur l’énergie orgonale, tel qu’on en a fait de plusieurs autres découvertes, afin que chacun en profite et qu’il sauve la recherche qui l’a rendue possible.
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Wilhelm Reich : https://en.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Reich
#101/ *Nous appelons TRAVAIL non pas l’activité de l’artiste mais son RÉSULTAT : les formes produites, par S. M.
1
Les œuvres n’ayant plus de particularité artistique, si ce n’est leur environnement, leur condition d’apparition, seuls les accès à la visibilité — résultat heureux d’une quantité d’énergie dépensée à l’actualisation de cet accès — font des choses montrées les objets d’une attention artistique et possiblement d’une reconnaissance (immédiate et/ou durable). Chaque chose peut être vue artistiquement et chaque engagement vers une visibilité peut contribuer à la reconnaissance artistique.
2
Le lieu de production est un premier geste qui détermine la portée de l’œuvre : où et dans/à quelles conditions sera-t-elle visible (à partir des conditions qui l’ont vue se réaliser) ? Les conditions de production et leurs dynamiques impliquent les conditions de monstration comme effets des dynamiques — les dynamiques comme mouvement des conditions. Comment VOULOIR toucher le plus grand nombre possible — de publics différents, de types d’espaces et de mètres carrés — en se cantonnant au mode de production traditionnel de l’artiste solitaire (ou entre collègues) dans son espace réduit (car généralement coûteux) ?
« Entre-soi / entre-sol » est une curieuse stratégie d’ouverture au monde…
3
On peut imaginer qu’une logique opérante des contraires puisse assurer que le « plus petit seul » nous offre le « plus grand ensemble » mais à recevoir les intentions généralement déçues des artistes en matière de « popularité » du travail montré, il semblerait que ça ne fonctionne pas…
À l’opposé on peut considérer certaines pratiques, plus reconnues et constater que généralement leur plus « grande distribution » nécessite la mise en place d’une logistique du nombre dès la production : grands espaces et beaucoup d’assistant·es. On comprendra que ce contre-exemple soutient l’ironie d’une économie plutôt éloignée de celle des artistes qui regrettent de faire de l’art pour artistes.
4
Pourtant, sans que cela ne soit l’objectif premier de ces « grandes machines » de l’art, l’investissement financier qu’elles engagent implique une équivalence au moins de la monstration et alors d’une popularité grand large, résultat du renfort promotionnel à la hauteur de l’investissement. Plus une valeur est soutenue plus elle coûte plus elle doit rapporter et être exploitée en conséquence et sera alors plus visible que d’autres moins soutenues, ce qui viendra établir sa pertinence par contraste : la qualité ici se fait par le nombre (à moins que cela ne soit un régime commun de ce qui est estimé : ce sur quoi on peut établir une communauté du goût — la quantité).
5
Cette quantité/surface de visibilité aura forcément pour effet une rencontre publique proportionnelle, simplement comme moyen d’une conquête des grandes machines et non comme fin : si les productions artistiques ambitieuses en termes de reconnaissance par les pouvoirs financiers (réciprocité du retour sur investissement plutôt rentable) pouvaient atteindre cet objectif sans le secours des foules, elles s’en passeraient évidemment…
6
Quand l’intention n’est pas le nombre mais simplement la différence de qualités de réception du travail, la stratégie ne peut pas être celle d’un devenir propre aux « grandes machines ». La collectivité du lieu commun (non exclusivement artistique) qui n’impliquerait aucun débordement financier (voire aucune étude budgétaire) resterait la solution d’une visibilité ouverte et surprenante — non déterminée — du travail*.
7
Faire de l’art en situation ouverte, ce qui ne veut pas forcément dire publique ni spectaculaire, selon les contextes ponctuellement choisis ou offerts et régulièrement extérieurs aux conditions de vie habituelles de l’artiste : s’exposer avant d’exposer. Vivre les moments de production/monstration artistique sur le mode de l’aventure : épisode de crise limité dans le temps sans forcément de rupture entre les deux moments de la pratique : le faire et le voir. La manière de faire impliquant le régime de monstration.
Le public présent sera forcément le bon, car le seul ayant pu arriver là…

#100/ Merci, par TINA
Vous lisez TINA online, merci.
100 articles soit environ 500 pages de lecture et une centaine d’images, par 41 auteur.e.s, ce n’est pas rien. Vous lisez TINA online, merci. Le monde ne va pas fort, les individus sont stressés, 100 raisons de déprimer, 500 façons de voir tout cela. Vous lisez TINA online, merci. Les librairies désertes, la culture non-essentielle en crise, les reconversions en cascade. Vous lisez TINA online, merci. Une Europe qui se sur-droitise, s’extrême-droitise, attaquée par la Fédération de Russie, infantilisée par Trump, pilotée par une classe politique trop XXe siècle. Vous lisez TINA online, merci. Des arts à la peine, la manche en crowdfunding, les subventions au compte-goutte avec droits et devoirs avant leur suppression définitive. Vous lisez TINA online, merci. Des récits, des attitudes, des formes, des engagements qui restent forts mais invisibilisés. Vous lisez TINA online, merci. Des autonomies, des communs, des collectifs en difficulté mais bien plus beaux que les individus autocentrés. Vous lisez TINA online, merci. TINA va continuer ses repérages, ses analyses, ses billets d’humeurs, ses décalages, ses lectures, ses marches. Vous lisez TINA online, merci.

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à bientôt pour les 100 articles suivants
#99/ I will survive (what?), par Éric Arlix
Pour survivre tu devras écrire une histoire par jour, mieux que Netflix.
Pour survivre tu devras écrire sans assistance I.A. sinon tu sors.
Pour survivre tu devras écrire uniquement sur l’amour,
rien d’autre ne pourra nous aider au milieu du chaos.
Pour survivre tu devras écrire au service de huit milliards d’individus,
que tu aimes désormais. Pour survivre tu devras écrire en puisant
dans toutes les cultures, toutes les expériences, n’hésite pas à rayer
tous les passages sur tes ressentis, ton moi.
Pour survivre tu devras écrire peut être les yeux fermés, peut être allongé
dans l’herbe, peut être en plein milieu d’une guérilla urbaine,
en tout cas innove. Pour survivre tu devras écrire l’histoire de toutes
nos vies possibles. Pour survivre tu devras écrire l’amour, n’oublie pas.
#98/ Tout autour de Vermeer (2), par Christine Lapostolle
Les traces d’un voyage effectué il y a des années pour voir toutes les peintures de Vermeer se révèlent au contact d’une situation, d’une parole, d’une sensation. Il en découle parfois de courts textes dont certains paraîtront ici.
Une fois, la scène est au café, dans un lieu qui ressemble à l’ambiance chaude et saturée d’un café, la nuit, un estaminet, une taverne.
Mais la plupart du temps on est chez quelqu’un, sans doute chez Vermeer lui-même.
Le décor, les personnages se modifient d’une peinture à l’autre selon le principe musical des variations.
Le soldat au grand chapeau raconte ses campagnes à la jeune fille qui rit sur fond de carte de géographie. La fenêtre est ouverte
Dans un salon on fait de la musique
Penché sur elle, l’homme regarde la jeune femme lever son verre, il lui soutient la main, elle regarde vers nous
Elle est de dos, debout à un clavecin, un homme la surveille
Elle verse du lait, ne regarde personne, c’est une servante
Elle ouvre ou ferme la fenêtre, de l’autre main tient une aiguière
Elle lit une lettre, elle est absorbée dans sa lecture, elle est debout
Elle pèse quelque chose, on ne voit pas ce qu’il y a sur la balance
Elle porte un drôle de chapeau rouge
Elle porte un grand chapeau chinois
Il se penche, il fait tourner un globe
Il tient un compas et relève la tête de sa grande feuille blanche
Elle joue du luth en regardant par la fenêtre
Elle jouait du luth, elle s’est interrompue, elle tient une lettre, sa servante la regarde
Elle pose pour le peintre dans un magnifique drapé bleu, elle est jeune
Elle joue de la guitare, elle sourit
Elle écrit à sa table, sa servante, debout derrière elle, attend
Sa servante lui tend une lettre, elle se gratte le menton
Elle s’est assoupie accoudée à la table, avec le pichet et les fruits, l’arrière est vide et on ne sait pas où est passé le reste du monde
Elle est concentrée sur sa dentelle – son front, sa coiffure : toute une architecture
Elle joue de l’épinette et nous regarde, assise
Elle joue de l’épinette debout et nous regarde
Elle se pâme assise devant une terrible crucifixion
#96/ Tout autour de Vermeer (1)
#103/ Tout autour de Vermeer (3)
#97/ La biblio TINA (5/6)
Nos livres de moins de 35 ans indispensables !
La biblio ultra contemporaine de TINA
Claude Closky (artiste)
_____________________________
Martine Aballéa, Horizons incertains – Nuit blanche aux Sables
Jean-Michel Alberola, Instructions aux domestiques
Anne Lise Coste, Raie bu d’acte tua lit thé
Kenneth Goldsmith, Soliloquy
Juli Gudehus, Genesis
Karl Holmqvist, Givepoetryatry
Ana Jotta, [Windsor Blue – Red Shade]
Hanne Lippard, Nuances of No
Annette Messager, État Civil
Adrian Piper, Colored People
Melana Pizani, An Artist
Laure Prouvost, Color Me
Sophie Ristelhueber, Operation
Ernest T, La vie d’artiste
Éric Watier, Un livre
Paul Devautour (artiste, enseignant)
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Anne Cauquelin, L’art contemporain
Jean-Pierre Cometti, La Nouvelle Aura – Économies de l’art et de la culture
Vilém Flusser et Louis Bec, Vampyroteuthis infernalis
Boris Groys, En public – Poétique de l’auto-design
Tim Ingold, Faire – Anthropologie, archéologie, art et architecture
Annie Lebrun, Ce qui n’a pas de prix
Franck Leibovici, Des documents poétiques
Erin Manning et Brian Massumi, Pensée en acte – Vingt propositions pour la recherche-création
Jean-Claude Moineau, Retour du futur – L’art à contre-courant
Marie-José Mondzain, Image, icône, économie – Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain
Pietro Montani, Bioesthétique – Sens commun, technique et art à l’âge de la globalisation
Olivier Quintyn, Valences de l’avant-garde – Essai sur l’avant-garde, l’art contemporain et l’institution
Richard Shusterman, L’art à l’état vif – La pensée pragmatiste et l’esthétique populaire
Stephen Wright, Toward a Lexicon of Usership
Estelle Zhong Mengal, Apprendre à voir – Le point de vue du vivant
Giselle’s Books >>>>
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Mayra, The Echo. Anvers : Risiko Press, 2025.
Nathalie Chollet & Raphael Massart, Split Log. Genève : Le trou, 2025.
Oscar Chan Yik Long, Melted Stars. Cracovie : Bored Wolves, 2022.
Adrian Djukić, Karin Althaus et al., Surrealismus + Antifaschismus Antologie. Stuttgart : Hatje Cantz, 2025.
Maria Lassnig, Kunstfiguren, Cologne : Verlag der Buchhandlung Walther König, 1995.
Thomas Lanigan Schmidt & Ana Baliza (ed.), Rat Attack in Hell’s Kitchen, Berlin : Buzzer Reeves, 2025.
Aurelia Guo, New York Temps. Paris : Dépense Défensive, 2025.
Tarren Johnson, We don’t live here anymore. Marseille : Giselle’s Books, 2025.
Richard Agerbeek, A trip to Central Park. Paris : Sabrina Grassi, 1995.
Paul McCarthy, Trans> Arts.Cultures.Media: No. 8. New York : Inc. Passim, 2000.
Ivan Cheng, Confidences / Oracle. Marseille : OCT0 Productions, 2024.
Alexandra Mir & Tim Griffin, Bad Reviews: An Artists’ Book by 150 Artists. New York, Londres : Retrospective Press, 2022.
Jo Spence, Fairy Tales and photography, or, another look at cinderella. Londres : RRB Photobooks, 2020.
Anna Banana, Bananen. Berlin : Chertluedde Books, 2025.
Inventory, The Counsel of Spent. Londres : Book Works, 2018.
Gary Indiana, Schwarzennegger Syndrome, Politics and Celebrity in the Age of Contempt. New York, Londres : The New Press, 2005.
Éric Arlix (écrivain, éditeur)
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Claude Closky, Mon catalogue
Yona Friedman, Démocratie
Liam Gillick, L’île de la discussion, Le grand centre de conférence
Fredric Jameson, Le postmodernisme
Martin Le Chevallier, Répertoire des subversions. Art, activisme, méthodes
Philippe Parreno, Speech Bubbles
Philippe Perrin, Starkiller
Simon Starling, Superflex, Reprototypes, Triangulations and Road Tests
Rirkrit Tiravanija, On Making Less
Laurent Tixador, Abraham Poincheval, L’inconnu des grands horizons
Martin Tupper, Le Mode Story
La biblio TINA poésie >>>>
La biblio TINA littérature étrangère >>>>
La biblio TINA littérature française >>>>
La biblio TINA essais >>>>
#96/ Tout autour de Vermeer (1), par Christine Lapostolle
Les traces d’un voyage effectué il y a des années pour voir toutes les peintures de Vermeer se révèlent au contact d’une situation, d’une parole, d’une sensation. Il en découle parfois de courts textes dont certains paraîtront ici.
L’étudiante dit j’ai appris la broderie car j’avais besoin de ralentir le temps. J’ai l’impression qu’on m’a mise dans un temps qui n’est pas le mien. C’est pourquoi j’aime pratiquer des activités répétitives, c’est une sorte d’hypnose.
Elle brode des figures d’animaux. On ne voit pas la broderie qu’elle fabrique.
La dentellière, non la brodeuse, s’endort sur son ouvrage.
La tête appuyée sur la main droite, le coude posé sur la table couverte d’une nappe rouge à motifs qui ressemble à un tapis. Un autre tapis à l’avant fait des plis, des vagues.
Ses paupières se sont alourdies puis abaissées, ses yeux se sont fermés.
Elle est vêtue d’un corsage rouge presque pourpre dans une matière soyeuse, luisante, à col blanc. La nappe, le tapis ont aussi pour dominante ce rouge riche.
Elle brodait des motifs d’animaux. Des animaux qu’on voit dans les livres ou dans les zoos. On les connaît en images et peut-être qu’on les a mieux regardés que les animaux vrais : lions, girafes, zèbres, des perroquets, des ibis.
Un verre à demi rempli est posé sur la table. La brodeuse a bu. Le sommeil est devenu irrésistible. Cette lourdeur des paupières, une petite force tellement puissante, un treuil mental. Elle ne savait pas que les paupières pouvaient devenir lourdes à ce point.
Lourdes, lourdes, on ne peut pas lutter. Elle s’est endormie. Il y a un pichet aussi sur la table. Peut-être qu’elle s’est resservie en vin.
Il se pourrait qu’elle ronfle. La broderie est tombée par terre.
Mais les animaux sont restés. Dans son sommeil ils s’animent. Les animaux qu’elle brodait se mettent à courir, à sauter. Cavalcades en tous sens. Bariolage de couleurs. Les doigts de sa main gauche effleurent le soyeux de la nappe. Elle sent dans son sommeil une chaleur l’envahir. C’est une chaleur tropicale. Même si elle n’est jamais allée au-delà des mers. Chaud extrême, et froidure par instants. Les animaux se sont mis à tourner. Quand elle a tiré sur la nappe le verre est tombé. Les animaux se baignent. Une grenouille. Il y a aussi une corbeille de fruits sur la table. «Il ne fait aucun doute, dit une voix dans le rêve, que ce monde est complètement réel». Rien à voir avec cette fatigue qui vous tire les yeux quand vous fixez trop longtemps votre ouvrage. Il suffit de passer le seuil d’une de ces portes ouvertes, à l’arrière-plan, contigüe au réel. C’est tout près. C’est presque pareil. Elle se redit la phrase dans le rêve. Un lapin aux pattes longues, un hérisson, sortent en même temps de leurs terriers et la regardent. Ils disent ensemble d’une voix grave: «C’est tout près. C’est presque pareil, avec une drôle de façon, éraillée, de prononcer le «eil»». Le tapis nappe file vers l’avant, si ça continue tout va dégringoler. Il faudrait les retenir, ces animaux, les remettre dans la broderie.

Johannes Vermeer, Het Slapende Meisje (La jeune fille assoupie), 1656-1657.
(#95) Tout autour de Vermeer (2)
(#103) Tout autour de Vermeer (3)