C’est dans les flammes qu’est enregistrée la dernière émission, présentée cette fois par les quatre cavaliers de l’Apocalypse, au son des trompettes et des duplex du Jugement dernier.
Peste : Alors, qu’est-ce qui a bien pu échouer à ce point, aujourd’hui où le monde brûle ? Une réponse, oui… Quelqu’un ?
Roubachof : Je peux essayer une réponse, quand bien même la fin du monde reste évidemment multi-factorielle. Bien malin qui saura ! Bien malin qui saura… Dans la mesure où nous allons tous mourir dans quelques minutes, je peux bien me tromper un peu et tenter une hypothèse : manque de courage, manque d’éthique des gouvernants qui refusent la responsabilité fondamentalement immorale du gouvernement. Chez les gouvernés, les mêmes manques : on veut tout voir, puis l’on se victimise d’avoir vu le pouvoir. À la fin, le refus de dire et le refus de voir produisent exactement cela, vous voyez… Comment disait-on ? La post-vérité, n’est-ce pas…
Famine : Pour ne pas se perdre en généralités quelques peu dépressives, ne pourrait-on pas reconnaître que des initiatives ont été prises ? Quels succès à vos yeux dans ces efforts parfois colossaux pour retenir l’Apocalypse actuelle ? Et au-delà, qu’aurait-il fallu pour qu’ils fonctionnent, ces efforts ?
Dolorès Irubari : qu’on envoie tout l’or du monde à Moscou !
Marie Curie : prenez l’exemple des Frigz. C’était une idée intéressante de concentrer la production mondiale d’énergie sur des oasis de réfrigération où pourrait survivre les fameux « un milliard » évoqués par le plan Bezos de 2026. Un milliard d’êtres humains continuant d’exploiter la planète, de façon durable, mais en continuité avec le mode de vie capitaliste de l’anthropocène, avec un support anarchique en-dehors des aires de protection.
Camillo Golgi : Le seul problème de cette hypothèse était le refus de comprendre le fonctionnement du cerveau humain. Le fameux chapelet de smart cities autosuffisantes et connectées constellant la planète ne pouvait fonctionner qu’avec des êtres humains capables d’émotions et d’intellections constamment exceptionnelles. L’Apocalypse est due à cette surestimation des capacités cérébrales des masses. Le plan Bezos montre d’abord cela.
Carl-Philip-Emmanuel Bach : Toutes ces initiatives étaient tout de même un peu… Un peu… Ahurissantes, non ? La plus sincère, selon moi, était celle que soutenait Monsanto avec le gouvernement indien, de créer génétiquement une forêt résiliente et auto-suffisante, où les arbres devenaient également des moyens d’archiver les productions terrestres. Vous avez déjà entendu un manguier jouer du Leonard Cohen ? Who by fire? C’était ça, l’avenir qui a raté…
Mort : Mais au-delà des exemples précis que vous venez de citer – on pourrait en citer d’autres, innombrables – ne s’agit-il pas aujourd’hui, pour accepter la fin des temps, de figurer l’infigurable ? De dire : c’est le capitalisme, et l’impossibilité des sociétés humaines à s’en émanciper, qui a détruit la planète ?
Jane Goodall : Je pense qu’il existera des poules capables de supporter le monde brûlé que nous avons créé, et d’y inventer quelque chose de sublime.
Charles Pasqua : « La démocratie s’arrête où commence la raison d’État ».
Vénus de Milo : Je ne suis pas sûr qu’il existe ou ai jamais existé ces choses, comme la société, l’émancipation. Il faudrait tout reprendre, mais nous n’en avons pas le temps, nous allons bientôt tous disparaître.
Guerre : Il y a une solution qui m’a toujours paru frappée au coin du bon sens et que personne n’a vraiment osé formuler, au moment même où l’ensemble du monde était détruit : pourquoi ne pas tuer ? En menaçant physiquement les responsables du désastre, peut-être…
Jdanov, Kissinger, Philippe de Commynes, Jafar et beaucoup d’autres (ensemble, l’interrompant) : paroles de fou ! Paroles d’enfant !
Malcolm X : c’est toujours la question, non ? The Ballot or the bullet?
Liliʻuokalani : ce n’est plus la question, puisque c’est fini. Il n’est plus temps de se battre, il fallait y penser avant. Il ne nous reste bientôt plus que les étoiles pour nous rêver ailleurs, le monde n’est plus bon pour rêver.
Peste (souriant, face caméra) : Mais l’heure tourne, et sur ces bonnes paroles, nous allons devoir interrompre nos programmes pour vivre, avec vous, au son de la dernière trompette, le duplex ultime, en direct de l’incendie de toute chose.
Une musique retentit. Une voix séraphique chante sur ces paroles un air somme toute joyeux : « sous l’incendie, au bord de la plage, la tête dans le congélo… » Si tout explose, on ne pourra jamais le savoir.
illustration : Albrecht Dürer Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (détail), 1498.
Cinquante articles sur TINA online. Merci pour vos connexions, vos lectures.
# Dans un biotope culturel saturé de signes la revue TINA ajuste ses lunettes. Pas évident. # Dans un environnement artistique survalorisant les idées simples voire creuses TINA bifurque. C’est mieux. # Dans un espace culturel marchand sur-diffusant les produits les plus vendables TINA sue à grosses gouttes. Pas toujours facile de ne pas se faire avoir. # Dans un espace culturel aux égo-surdimensionnés et aux attitudes sous-dimensionnées TINA déchiffre. C’est chronophage mais instructif. # Dans un milieu artistique néo-libéralisé dopé à la puissance du marketing TINA tente d’avaler le moins de fake-art possible. Toujours délicat # Dans certains territoires artistiques, subventionnés ou non, la carte de la visibilité n’est plus forcément jouée, TINA ré-ajuste ses lunettes. Bifurquer. # Dans les confirmations du XXIe siècle la réussite commerciale classifie l’intelligence artistique et sa popularité, TINA ne confirme pas. Pas vous ? # La revue TINA tente une expérience politique, artistique, bricologique, évolutive, libre. Rien n’est figé, tout peut changer, de l’équipe aux formes, du travail de fond aux urgences du monde, d’un.e expert.e qui formule quelque chose d’intelligent et d’utile au voisin.e inconnu.e qui vient d’agir ou d’esquisser une réparation du monde. C’est différent. C’est une expérience, un test pour d’autres modes d’implémentations de l’art, de la littérature, des idées et des imaginaires. #
Le supermarché, c’est un labyrinthe surmonté d’une ou plusieurs coupoles et fait de techno-images, qui vise à engloutir les consommateurs, à les consommer. Il a des portes largement ouvertes, afin de donner l’illusion de l’entrée libre, d’un espace public. Il se présente comme un « marché », une « place du marché », donc comme l’agora d’une polis. Mais ce n’est là qu’un appât. Une véritable place de marché est un espace politique, parce qu’elle permet l’échange des opinions et des choses, le dialogue. Le supermarché, lui, exclut le dialogue, ne serait-ce que parce qu’il est rempli de « bruits noirs et blancs », par une émission de couleurs et de sons. En ce sens, c’est un espace privé, un espace destiné aux individus (en grec : idiotes). Mais avant tout l’ouverture des portes est un appât, parce que l’entrée certes est libre, mais non la sortie. Pour s’échapper du labyrinthe il faut faire en sortant le sacrifice d’une rançon, et pour cela, faire la queue. Cette description mythologique du supermarché vise à démasquer ce qu’est en réalité cet espace, de tous le plus privé : une prison. Il ne sert pas à l’échange de biens et d’informations, mais oblige à consommer des informations et des biens particuliers : assurément super, mais pas marché.
Du point de vue fonctionnel, le cinéma est l’autre face du supermarché. Son entrée est un orifice étroit où l’on fait la queue avant de sacrifier son obole, condition requise pour participer aux mystères qui se déroulent à l’intérieur. Cet aspect initiatique de l’entrée du cinéma n’est pas nié mais au contraire souligné par les lumières qui scintillent au-dessus d’elle, comme une invitation. En revanche, le cinéma ouvre ses portes toutes grandes quand le programme est terminé, pour laisser s’écouler le flots des fidèles du culte dûment programmés. La queue à l’entrée du cinéma et à la sortie du supermarché, c’est un seul et même animal: une masse pétrie en un long ruban. Le prix de l’entrée au cinéma : le prix à la sortie du supermarché sont les deux faces d’une seule et même monnaie. Au cinéma, la masse est programmée pour se ruer vers le supermarché; le supermarché relâche la masse pour qu’elle aille se faire programmer au cinéma en vue de la prochaine visite au supermarché : tel est le métabolisme de la société de consommation. Ainsi tournent les ailes magiques, mythiques du ventilateur des techno-images au sein de la masse, pour la maintenir dans le mouvement du progrès.
« Retour vers le futur » TINA vous propose de redécouvrir des textes /// 1979
C’est la chute finale, inscrivez-vous et tout de suite, la chute libre sera le genre humain.
C’est à la Villette, un espace divertissement. Cela coûte un peu cher, sur la vidéo ce n’est pas un client mais un démonstrateur, ça ameutes le chaland, cela donne envie. Oui la chute est le nouveau genre humain, la chute est continue, agences de notation, endettement, croissance, stress géopolitique, sécurité, éco-anxiété, sondages, moral, ça chute à tout-va. Tout les avantages de la chute libre après un bobun ou un tacos et avant un bowling ou un mini-golf avec balle connectée. Cela ne désemplie pas. C’est à boom-boom Villette, les cris et les sourires XXL déchirent l’univers, rendent caduques tout projet situé en dehors du divertissement, le samedi après-midi chute en quelques heures qui paraissent des minutes, la carte bleue chauffe, les familles tiennent la corde, chuter mais pas trop non plus, des milliers et des milliers de personnes dans un brouhaha assourdissant cadencé par des boucles musicales de fin du monde.
Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley, collectif, Audimat éditions, 2024.
Aux migrations climatiques, bien davantage médiatisées lorsqu’il s’agit de Los Angeles, se sont récemment ajoutées les migrations numériques d’un réseau social à l’autre, en raison d’un possible bannissement ou du revirement politico-médiatique de leur dirigeant, peu avant ou suite aux résultats de l’élection américaine. Dans les fumées des mégafeux et les virages idéologiques douteux, et à l’époque de la multiplication des petites phrases (et petits gestes) commentés ad nauseam, difficile d’y voir clair.
Certaines lectures permettent cependant de dissiper un peu le brouillard. Le 8 juillet 2024, à la bien nommée Bibliothèque Publique d’Information (BPI), au Centre Pompidou, était organisée une rencontre à l’occasion de la parution, le 19 avril 2024, d’Au-delà de la l’idéologie de la Silicon Valley, nouvel opus de la jeune série Tèque, éditée par Loup Cellard et Guillaume Heuguet, qui proposent d’étudier l’entremêlement de nos vies et des technologies. Dans cette quatrième livraison, ils invitent à dépasser une certaine vision de l’idéologie californienne, fruit d’« un mélange unique de hippies, de hackers et d’étudiants libertaires qui se seraient convertis au capitalisme », avec une sélection de textes de Fred Turner, Charlie Tyson, Fabien Foureault, Ruha Benjamin, Orit Halpern, Robert Mitchell et Dave Karpf. L’idéal pastoral et communaliste est introduit par le poème All Watched Over by Machines of Loving Grace (« Tous surveillés par des machines d’amour et de grâce », 1967) de Richard Brautigan, qui rejoint « la promesse suivant laquelle l’informatique permettra dans une futur proche de créer une sociétés d’individus égaux et émancipés ». Si la critique de cette idéologie n’est, somme toute, pas si nouvelle (Adam Curtis la développait déjà, à sa manière, dans un documentaire éponyme, en 2011), le contexte a quant à lui bien évidemment changé en une dizaine d’années.
Face à une audience particulièrement attentive, l’un des intervenants de la rencontre introduisit la séance en indiquant qu’aujourd’hui, la capacité à effectivement « changer le monde » ne revenait plus tant aux hommes et femmes politiques, mais à aux patrons des géants de la tech. L’intervenant dirigeait alors plus particulièrement l’attention sur une figure évoquée dans Tèque 4, Peter Thiel, mégadonateur des campagnes de Donald et mentor de l’actuel vice-président des États-Unis – et notamment à sa société d’extraction de données et de surveillance Palantir -, pour réfléchir à l’influence de ces acteurs sur la société. Elon venait alors tout juste d’opérer son virage médiatique et financier vers Donald, Mark n’avait pas encore renoué avec ses penchants d’étudiants à Harvard (Jeff va-t-il prochainement nous annoncer consommer de la créatine ?). Si la plupart découvre avec effarement ces revirements récents des représentants du technoféodalisme contemporain, le « philosophe-roi de la Silicon Valley » Peter Thiel semble quant à lui se distinguer par sa constance idéologique, voire apparaître comme la matrice à partir de laquelle mieux comprendre les orientations de certains.
Le deuxième texte de la revue Tèque 4, qui lui entièrement consacré, est ainsi la traduction, en français, d’un article de Charlie Tyson, « The Talented Mr. Thiel. Inside the mind of Silicon Valley’s », publié dans The Baffler, le 20 septembre 2021, texte qui est lui-même un compte rendu de la biographie de Thiel par Max Chafkin, The Contrarian : Peter Thiel and Silicon Valley’s Pursuit of Power. Dans cet article, Tyson présente succinctement le parcours de Peter, fils d’immigré allemand qui fera par la suite fortune dans la tech avec la création de Paypal, et en investissant dans les Facebook, Airbnb, LinkedIn, OpenAI, etc. Mais il s’agit surtout d’un « homme qui, contrairement à nombre de ses pairs fortunés, est intensément idéologique et terriblement abstrait » et, « contrairement à la plupart des personnes ayant des convictions philosophiques, il a de l’argent et le pouvoir nécessaire pour concrétiser ses engagements idéologiques ». L’influence qu’il exerce sur une nouvelle génération d’entrepreneurs de la Silicon Valley comme sur la vie politique américaine n’est plus à démontrer. Mais quelle est donc cette philosophie “appliquée”, susceptible de tous nous concerner ?
À la place des platitudes apaisantes sur la façon dont la technologie pouvait développer le potentiel humain, il introduisit une nouvelle éthique de gouvernance, plus machiavélique, pour les technocapitalistes de la Silicon Valley. Selon Thiel, les entreprises doivent rechercher le pouvoir de monopole par tous les moyens nécessaires, et le développement technologique doit être poursuivi, quel qu’en soit le coût humain. (p. 58)
Car si sa contribution la plus connue est Zero to One (2014) « qui déplore la stagnation technologique et conseille aux entreprises d’échapper à la concurrence et de se constituer en monopole » (p. 60), c’est sur un essai bien moins connu, intitulé « The Straussian Moment», que s’attarde le journaliste. En voici la présentation par Tyson, dans la conclusion de son article, p. 60-62 :
“The Straussian Moment”, un essai que peu de gens ont lu, est plus révélateur des tendances intellectuelles de Thiel. Il est issu d’une conférence de six jours sur René Girard qui s’est tenue à Stanford en juillet 2004, financée par Thiel. L’essai affirme que le 11 septembre prouve que la philosophie politique du libéralisme des Lumières est caduque : les êtres humains sont beaucoup plus violents et dangereux que Locke et d’autres n’osaient le croire. S’inspirant de penseurs anti-modernes et antilibéraux tels que Girard, Carl Schmitt, Leo Strauss et Nietzsche, l’essai rejette la démocratie et les Lumières et médite sur l’apocalypse. Thiel rejette le contrat social selon les principes girardiens en le qualifiant de « mensonge fondamental des Lumières ». Venant d’un théoricien littéraire acariâtre, une telle remarque pourrait sembler simplement provocatrice. Lorsqu’elle est prononcée par un milliardaire qui travaille activement à la déstabilisation de la société, elle prend une tournure plus sinistre.
Le sens de la vie exprimé ici est pessimiste et anti-égalitaire. Thiel estime que l’ère moderne est toujours sur le point de basculer dans un torrent de violence. Un tel effondrement social généralisé viendrait prouver que les idées sur les conventions sociales et le potentiel de bonté de l’humanité ne sont que des fictions depuis le début. Ailleurs, Thiel a déploré le “demos inconséquent” qui préfère la social-démocratie au capitalisme débridé, et a suggéré de fuir complètement la politique, que ce soit dans le cyberespace, l’espace extra-atmosphérique ou la mer. Pour Thiel, l’humanité est une foule violente et trop facilement manipulable.
Les prises de position sur l’apocalypse sont devenues à la mode, aussi bien à droite qu’à gauche. Compte tenu de l’escalade des urgences climatiques, des pandémies et des disparités brutales dans l’espérance de vie, ces sentiments d’apocalypse et de résignation sont compréhensibles, même s’ils ne sont pas particulièrement utiles. Mais l’apocalyptisme de droite de Thiel est particulièrement pernicieux. En rejetant le contrat social, il s’exonère, lui comme ses collègues oligarques, d’obligations envers les autres. En cas d’urgence, c’est chacun pour soi. Pourtant, les richissimes magnats de la technologie qui construisent des bunkers et (dans le cas de Thiel) des maisons de secours en Nouvelle-Zélande sont parmi les mêmes personnes qui sont responsables, dans une mesure non négligeable, de l’affaiblissement de la stabilité sociale par leur manière de répandre la propagande, d’attiser la haine politique et de se soustraire à l’impôt. […]
Contre le rejet par Thiel du contrat social – qui permet aux riches et aux puissants de détruire la société, puis de la quitter en laissant le reste d’entre nous en payer le coût – nous pourrions proposer des fonds de solidarité et envisager le principe d’égalité dans la survie. Thiel s’intéresse à la vérité — qui consiste, pour lui, en des visions ésotériques et dérangeantes d’une humanité primitive baignant dans le sang — mais il ne s’intéresse pas à la justice.
Chafkin a dressé un portrait richement détaillé d’un sujet fuyant. Les tractations en coulisses et les manœuvres politiques de Thiel y sont clarifiées et documentées. Mais l’homme lui-même reste un mystère. « Ne soyez pas fidèles à vous-mêmes », a déclaré Thiel aux lauréats du Hamilton College lors d’un discours de remise des diplômes en mai 2016. Il nous offre le spectacle d’un esprit brillant logé dans une personnalité difforme, un homme qui a transformé sa philosophie de salon en une vision imposée au monde. Nous n’en avons pas vraiment conscience, mais nous vivons dans le monde de Peter Thiel. Il nous faudra mieux que la philosophie pour en sortir.
Vaste programme…
PS 1 : Lire également cet autre texte, assez complémentaire, de Tèque 4, “L’apocalypse remplace l’utopie” de Dave Karpf (p. 131-147) pour une vision qui s’exonère de ses responsabilités présentes : en vérité, un article portant moins sur l’apocalypse que sur la philosophie “longtermisme” et sur le projet d’“horloge du millénaire” qui lui est associé, dont la construction est soutenue financièrement par Jeff).
Ah ces gens dits de gauche qui ne veulent pas lâcher FB et Insta « parce que la com c’est trop important, déjà que je rame », qui prennent des über « parce que c’est bien pratique », surveillent les bons plans Transavia pour un week-end de décompression au soleil « parce que ça va me faire du bien de prendre un peu de recul sur une plage », louent un petit airbnb trop mignon dans une capitale européenne « pour trouver l’inspiration », qui souscrivent à un abonnement Starlink dans leur résidence secondaire « parce que sinon je rame pour aller sur FB et Insta c’est trop important la com, déjà que je rame », qui continuent d’utiliser les services google « parce que c’est gratuit et pratique », d’acheter les produits d’Amazon « parce que y’a tout et tout de suite », on ne parlera pas des comptes titres « parce qu’il faut bien que je m’occupe de ma retraite et puis ça rapporte pas mal », des produits luxe « parce que je le vaux bien », de l’amour du cash « parce que les charges sociales ça plombe mon chiffre d’affaires à un point tu n’imagines même pas », de se faire livrer un p’tit über eats « parce que le temps de gagné est dingo », de se faire livrer tout en fait « parce que là l’économie de temps est une révolution dans mon quotidien», de balayer son doigt sur un smartphone jusqu’à plus soif « parce que sinon tu comprends déjà que je rame au niveau com alors si en plus je ne suis au courant de rien », d’exhiber sa montre connectée « parce que tu as tout au poignet je gagne un temps fou », de prendre une carte Membership Pinault Collection ou un pass coupe file FLV « parce que l’accès à la culture c’est important », etc, etc, etc, … Bref c’est pas gagné 2027, 2032.
besoin de repères et d’attitudes besoin de simplicité et de décroissance besoin de liberté et d’imaginaires besoin d’un programme politique de rupture bien plus ambitieux
alors sans attendre je marche sans gps et je salue les corneilles à mon passage toujours je ne re-contacte pas celles et ceux qui rament je les retarderais désynchronisés nous sommes
de ma petite vue je compte aujourd’hui cent-huit camionnettes dix-huit scooters de livraison de gains de temps de coups de rames en moins galère galère
Il y a huit ans disparaissait Hubert Lucot, la revue TINA lui rend une nouvelle fois hommage en publiant ci-dessous une image grand format du Grand Graphe (1990) œuvre mural composé de 8 rouleaux à coller (4,18 m de large, 2,33 m de haut).
Lisez Opération Lucot (bis)de Jean-Charles Massera sur la revue TINA online pour une première approche de l’œuvre d’Hubert Lucot.
Quand vous êtes à Reims le jour où il serait bienvenu de méditer sur la phrase « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » et bien, l’envie vous prend de planter une graine dans cette terre. Une graine invisible, dans le noir, qui, sous des airs d’endormie, mijotera des tas de réflexions pour espérer que certains fantômes comme Robert Filliou viennent secouer les vivants. Alors, ne choisissons pas n’importe quel jardin public pour planter cette graine. Rendons-nous dans le Parc de Champagne à Reims, celui qui, à l’origine était destiné au personnel de la Maison Pommery, une des plus grandes marques de Champagne, et aujourd’hui laissé ouvert au public trop généreusement par son propriétaire. Nous sommes à notre place puisque le Groupe Vranken Pommery Monopole (nouveau nom de la Maison) est récompensé en 2012 par l’État en recevant la médaille de « Grand Mécène de la Culture ». Nous passerons, si vous le voulez bien, sur cette condamnation en justice en 2015, pour avoir fait détruire par une société de nettoyage, la sculpture monumentale d’une artiste contemporaine, acquise quelques mois avant, qui devait certainement prendre trop de place au château. Espérons aussi que cette graine n’ai pas tant besoin de ressources puisque ce parc est le fruit de l’habileté humaine, répondant aux caprices des bulles et à la volonté de dédier l’espace à l’entraînement des Jeux olympiques. Le déplacement de 492.000 m3 de craie et l’apport de 278.000 m3 de terre végétale venus des quatre coins de la France promettent alors le même charme que celui d’écouter du fado sans mélancolie. C’est dans le jardin des simples, situé dans un coin du parc artificiel que nous choisissons l’emplacement de la plantation de la graine. Si elle est à la fois élixir et empoisonneuse, elle saura infiltrer de la poésie à nous autres, affamés de rêves. Cette graine est une prière pour l’anniversaire de l’art. Et puisque le visible nous éclabousse, faisons alors confiance à l’invisible.
« l’essentiel est invisible pour les yeux » Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince
À Aix-la-Chapelle, le 17 janvier 1973, nous (c’est-à-dire tout le monde : écoliers, ouvriers, employés, pas seulement « gens du métier »), nous célébrerons le un million et dixième Anniversaire de l’Art. Robert Filliou
À Shanghai, ce 17 janvier 2025, nous (DeYi Studio) vous souhaitons un bon 1.000.062ème anniversaire de l’art !
Depuis 1973 la date anniversaire proposée par Robert Filliou est l’occasion de célébrations dans quelques institutions artistiques. Le plus souvent cet « Art’s Birthday » donne lieu à des « art-projects »… alors que l’idée initiale était de festoyer toute la journée, sans Art, à l’image du 1er mai qui est un jour férié. Pour la fête du travail on ne travaille pas. Mais l’art est-il un travail ?
Les très belles idées de Filliou ont tendance à être retournées comme des gants à force d’être citées sans prendre garde au contexte. On peut rire de n’importe quoi mais pas avec n’importe qui, disait Pierre Desproges. Notre ami Maury ajoute qu’on peut faire de l’art avec n’importe quoi mais pas n’importe où. Quand Filliou nous dit que « l’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » c’est magnifique, mais si c’est LVMH qui le dit il faut entendre que l’art c’est ce qui rend le luxe plus intéressant que l’art. D’une revendication comme « art est vie » on glisse trop facilement vers l’art de vivre et tout le fatras consumériste du Lifestyle ou LifeWear à la Uniqlo & co. L’art en tant que travail n’est-il pas simplement la tête chercheuse et le bras explorateur du marketing ? Dans ce cas il mérite salaire en effet. Mais il faut savoir pour qui l’on travaille. Maury estime en tous cas que les travailleur·ses de l’art vont à contresens de l’idéal de l’amateur porté par Filliou.
Comme Maury nous avons beaucoup d’amis qui se reconnaissent travailleur·ses de l’art. Nos doutes quant à leur perspective ne remettent pas en cause notre amitié et notre estime pour ce qu’ils font. Il faut bien sûr d’abord considérer le côté positif de la démarche. Vigilance et lutte contre les abus et les discriminations sont clairement indispensables, et engagent notre responsabilité partout, tout le temps, dans toutes les activités. Passons sur la perplexité que nous inspire le souci de la retraite chez de jeunes artistes de moins de trente ans, même si c’est raisonnablement légitime dans le contexte actuel. Soulignons plutôt l’organisation manifeste d’une véritable solidarité dans un milieu jusqu’ici miné par les rivalités individualistes. De solitaire à solidaire il n’y a qu’une lettre mais plus d’un pas. Encore deux et voici la très salutaire révolution culturelle de penser et d’agir enfin ensemble concernant une pratique traditionnellement esseulée et rendue hautement concurrentielle par la logique du marché de l’art. Mais cette mutualité nouvelle doit-elle simplement conforter l’oppression en l’aménageant pour la rendre vivable, et donc durable ? On préfèrerait que cette mobilisation vise une sécession plutôt qu’une assurance. Au moment où les jeunes ingénieurs bifurquent n’est-il pas déconcertant de voir les jeunes artistes se raccorder au monde de l’art tel qu’il est ? La faute sans doute à la « professionnalisation » qui sévit dans les écoles d’art.
Les artistes travaillent, oui, certainement, et beaucoup. Mais est-ce un métier pour autant ? Sommes-nous des travailleur.ses de l’art ? Nous travaillons d’autant plus que nous ne vivons pas de notre pratique artistique. Nous sommes donc des travailleurs comme les autres pour ce qui est de « gagner sa vie », comme on dit, ce qui revient surtout à la perdre, comme on sait. Travailler pour financer une activité artistique n’est pas une mince affaire, d’autant que cela n’a de sens qu’à condition de dégager assez de temps pour pratiquer cette activité. Mais là où un travailleur distingue en général le temps du travail de celui du loisir, et cherche à augmenter les revenus du premier pour profiter du second, l’artiste quant à lui distingue le temps d’un travail alimentaire et le temps du travail artistique, méprisant le premier et s’y engageant aussi peu que possible (même quand il s’agit d’enseigner) et laissant croire à son entourage (et aux étudiants en art) que le second lui assure un revenu suffisant, par crainte de n’être pas crédible comme artiste professionnel. Reconnaître le travail artistique comme un loisir – essentiel, exigeant, nécessaire, vital – aurait du moins le mérite de lever la mauvaise conscience qui caractérise les artistes au travail. Et par là même nous épargnerait cette appellation hautement cafardeuse de « travailleur.ses de l’art ». Car non, l’art n’est pas un métier. Ou alors seulement la triste besogne de produire des objets et leurs concepts afférents au profit de l’industrie culturelle. On devrait dans ce cas dire simplement travailleur·ses de l’industrie culturelle, et laisser l’art au dimanche.
Convoquer la mythologie révolutionnaire des travailleur·ses est bien sympathique et réconfortant à nos yeux, mais n’est-ce pas se prémunir un peu vite et trop commodément de la mauvaise conscience d’œuvrer pour le royaume du luxe ? Comme si militer pour un luxe communal en 2025 consistait à rêver d’un sac Vuitton abordable au lieu de renverser la colonne Vendôme. Se libérer de l’oppression du marché requiert des stratégies d’auto-invisibilisation (cryptage, camouflage, furtivité ou simple discrétion) car il n’est pas tant question aujourd’hui de production que d’extraction de valeur. Tout ce qui est visible (au sens médiatique et non optique), rémunéré ou pas, s’offre benoîtement à l’extractivisme forcené de l’économie de plateforme. Réclamer sa part n’y changera rien. Négocier sa place conforte le dispositif.
Il faut en finir avec le travail, sortir d’un imaginaire de la production, penser la décroissance et pratiquer l’art comme une conversation, libre et non rémunérée (ou alors c’est une comédie). Cette conversation, engagée depuis 1.000.062 ans, mobilise des images, des objets, des sons, des rituels, des mots ou des gestes. Elle trouve ses lieux par les réseaux* bien mieux que dans l’exposition, média hégémonique d’une économie qui nous mène au désastre.
Si vous tombez dans un canal cela vous semblera une bonne idée de réclamer une bouée, mais l’essentiel est de sortir de l’eau. Si vous n’êtes pas encore tombé à l’eau rien ne vous oblige à y plonger en réclamant une bouée. Une fois dans la bouée, si elle ne vous est pas tombée sur la tête, elle vous entrainera dans le sens du courant. Le milieu de l’art étant solidement structuré aujourd’hui en France autour du couple marché-institution, avec les fondations d’entreprise comme courroies de transmission, nager à contre-courant, avec ou sans bouée, ne suffit pas, essayons d’en sortir.
Bon anniversaire de l’art, vive l’amateurisme et les loisirs, vive le revenu universel d’existence !
Notes : -> * attention nous dit Maury, parler des réseaux n’est pas promouvoir Facebook, Instagram, X et les autres, bouffis d’algorithmes toxiques, saturés de publicités ciblées, qu’il faut définitivement boycotter sans hésiter.
-> illustration : —> 1) bassin devant le Pearl Art Museum à Shanghai, photo DeYi Studio —> 2) Robert Filliou « whispered ART HISTORY », Clémence Hiver Éditeur, 1994 6 rue de la Planète, 30610 Sauve – > exemple de célébration ART’S BIRTHDAY aujourd’hui : https://www.muhka.be/fr/activities/arts-birthday-2025/
Document : Lettre de Robert Filliou le 17 janvier 1973.
Chers ami(e)s, Par un matin de 1963, improvisant L’Histoire chuchotée de l’art, j’écrivais : « Tout a commencé un 17 janvier, il y a un million d’années. » Drôle mais, indépendamment de la date arbitraire, il semble qu’il y ait environ un million d’année que les êtres humains apparurent sur terre. Pourquoi alors ne pas proclamer ce qui au départ ne fut que chuchoté, tel un dangereux secret : « Voici un million et 10 ans, Art était Vie, dans un million et 10 ans, il le sera encore. Festoyons donc toute la journée, sans Art, pour célébrer ce début heureux et annoncer cette fin heureuse. » Le fond de ma pensée ? : éventuellement, l’art doit revenir au peuple auquel il appartient. Comment ? Et si l’Anniversaire de l’Art était prétexte à congés payés pour les ouvriers du monde entier, à partir du 17 janvier si le poème est pris comme référence, de n’importe quelle autre date s’il ne l’est pas ? D’abord un jour, puis deux, trois, quatre, cinq, et à mesure que les conditions objectives et subjectives du monde le permettent, un, deux, trois cents, et éventuellement (dans un million et 10 ans) trois cent soixante-cinq ? Si ceci était fait, nulle autre festivité ne serait à prévoir. Les peuples joyeux n’ont besoin d’aucune autre « chose ». Non ? Quoiqu’il en soit, à Aix-la-Chapelle, nous avons décidé de créer un précédent. À Aix-la-Chapelle, le 17 janvier 1973, nous (c’est-à-dire tout le monde : écoliers, ouvriers, employés, pas seulement « gens du métier »), nous célébrerons le un million et dixième Anniversaire de l’Art. Une belle journée, souhaitons-le : vacances pour filles et garçons, jour férié pour les ouvriers, musées et galeries débordant de fleurs, banderoles et lanternes par toute la ville, orchestres, danses, bals publics, feux d’artifice… Mes vivantes salutations Robert Filliou Né en 999 963 a.a (après l’art)
Sans doute avez-vous déjà vu sur votre smartphone les très courtes vidéos de Shoji Yamasaki. Peut-être même comptez-vous parmi les millions d’abonnés à son compte Tiktok ou Instagram. Depuis quelques mois Shoji Yamasaki poste des vidéos de 15″ à l’écran divisé juxtaposant deux danses identiques, un détritus à gauche et lui à droite : Littered Mvmnts (2020–ongoing).
Un sac poubelle virevolte dans un courant d’air au coin d’un mur. Un morceau de carton se plie et se déplie au gré du vent sur un trottoir. Un vieux chiffon s’agite au passage d’une automobile. Un sachet plastique transparent coincé sous un grillage se gonfle et se dégonfle. Un papier d’aluminium froissé se dresse et retombe. C’est comme le dernier souffle des objets consommés, bien décidés à une autonomie inopinée.
Autant de détritus animés par le vent, autant de mouvements habituellement indifférents à nos regards trop affairés, mais autant de gestes poétiques pour Shoji Yamasaki, autant de motifs chorégraphiques offerts à son écholocalisation de danseur. Et autant de sourires, ou de ricanements, pour ses milliers de followers sur Tiktok. Prince des nuées, son exil au milieu des huées rencontre un succès inattendu, ou un malentendu sans nom.
Shoji Yamasaki a développé un talent singulier pour voir de la danse dans l’oscillation irrégulière d’un simple bout de papier trainant par terre. La propension du shintoïsme à reconnaître une âme aux pierres ou aux arbres a peut-être infusé chez lui, jusqu’à attribuer une volonté propre aux déchets que nous abandonnons un peu partout. Il a trouvé une manière élégante de partager cette sensibilité particulière. Après plusieurs tentatives expérimentales, une forme très simple s’est imposée qui lui vaut son audience récente sur les réseaux sociaux. Shoji Yamasaki incorpore les spasmes, soubresauts et tremblements des déchets observés dans la rue, et il les réactive aussi fidèlement que possible en s’agitant à leur manière. Là est son geste artistique. De ces gestes minimalistes improbables s’ensuivent des vidéos qui confrontent brièvement côte à côte les deux mouvements synchronisés. Celui du modèle de rebut enregistré sur place à l’improviste, et celui de Shoji Yamasaki, mime halluciné d’un paquet de bonbons ou d’un sachet de chips, filmé dans un contexte similaire. Pour parfaire son mimétisme cinétique Shoji Yamasaki prend soin de s’habiller de façon comparable. En blanc s’il s’agit d’un plastique blanc, en gris ou noir pour un sac poubelle, en body argenté pour un emballage en aluminium, en brun pour un carton, jaune pour une enveloppe de Pulparindo, etc. Il précise toutefois dans un interview qu’il n’utilise que les vêtements qu’il a sous la main chez lui, et qu’il n’achète jamais ni ne fabrique aucun costume pour une vidéo, afin de ne pas produire davantage de déchets. À la fin d’une première compilation postée sur YouTube il y a trois ans vous pourrez lire aussi : « Tous les déchets présentés dans cette vidéo ont été ramassés et mis dans un sac, rejoignant ainsi les quelque 728 000 tonnes d’autres déchets produits chaque jour aux États- Unis et destinés à être enfouis dans les décharges ».
Des pièces chorégraphiques de 15″ donc, postées, repostées et repostées encore sur Tiktok. Jusqu’à atteindre des millions de vues. Le succès pour de mauvaises raisons fait sans doute partie de l’équation qui nous intéresse pour de bonnes raisons. Cette équation opère une drôle de résolution en introduisant la variable de l’humour entre son geste radical hérité des avant-gardes artistiques confidentielles et sa réception collective massive sur les réseaux sociaux. À part la haine, la rigolade reste ce que les algorithmes mobilisent le plus facilement pour capter l’attention et optimiser l’engagement. Mais la blague est juste une parenthèse qui dénature beaucoup moins le propos que le whitecube ne le désactive. Est-ce un savant calcul de la part de Shoji Yamasaki ? Pas sûr. C’est plus probablement une affaire de génération, par où la culture mute selon l’environnement technologique de l’époque.
Pour sonder l’abîme entre générations (entre étudiants et enseignants par exemple) on notera sur son site web l’aplomb avec lequel Shoji Yamasaki (diplômé de CalArts à Los Angeles en 2023) revendique son engagement depuis quinze ans comme bénévole pour l’ASPCA (American Society for the Prevention of Cruelty to Animals), expliquant doctement qu’il a sauvé une trentaine de lapins handicapés et précisant fièrement qu’enfant il a été cité en 2009 dans l’édition annuelle de l’ASPCA Kid’s book. Les sous-cultures japonaises ou californiennes n’expliquent pas tout. Il y a moins de cinq ans pas un artiste raisonnable n’aurait mentionné sérieusement une telle référence dans son CV. Mais aucune dérision semble-t-il ici, et nulle ironie de ce côté aujourd’hui. Plusieurs de ses créations chorégraphiques sont inspirés du langage corporel que les lapins utilisent pour communiquer entre eux… Cela nous laisse un peu rêveurs, mais quel bonheur de regarder danser malgré tout Shoji Yamasaki. Malgré tout. Malgré les immondices, malgré les élections, malgré les incendies, malgré l’effondrement, malgré nous, les artistes se sauvent et nous sauvent.
-> illustrations : copies d’écran Youtube de vidéos de Shoji Yamasaki -> compilation sur Youtube de quelques vidéos publiées sur Tiktok : LITTERED MVMNTS | A Dance Film by Shoji Yamasaki https://youtu.be/VeWFZV1FWFs (peu de vues sur Youtube, contrairement à Tiktok) -> site web de Shoji Yamasaki : https://www.shojiyamasaki.com/